LES
PRÉCORDIALGIES
ÉTUDE SÉMÉIOLOGIQUE
LES DOULEURS DE LA RÉGION DU CŒUR
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LES
ÉTUDE SÉMÉIOLOGIQUE
LES DOULEURS DE LA RÉGION DU CŒUR
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Le Paul CHEVILLOT
ANCIEN EXTERNE DES HOPITAUX DE PARIS
PARIS
G. STEINHEIL, ÉDITEUR
2, rue Casimir-Delavigne, 2
1893
LES PRÉCORDIALGIES
ETUDE SÉMÉIOLOGIQUE SUR LES DOULEURS DE LA RÉGION DU CŒUR
INTRODUCTION.
Dans une leçon clinique qu’il faisait à l’hopilal Bichat
au mois de novembre 1892, M. Huchard donnait le nom
de précordialgie à toute douleur, accompagnée ou non d’an-
goisse, survenant dans la région précordiale. Après avoir
passé en revue les diverses douleurs qui peuvent affecter
cette région, notre excellent maître arrivait à cette conclu-
sion : « En général, à de rares exceptions près, chaque
fois qu’un malade vient se plaindre au médecin, d’une dou-
leur dans la région cardiaque, il n’a pas d’affection orga-
nique du cœur ».
Cette leçon clinique qui nous avait particulièrement in-
téressé fut publiée dans la Hernie générale de clinique et de
thérapeutique (1), et dès cet instant nous résolûmes d’étu-
dier cette question, et d’en faire l’objet de notre thèse. De-
puis, nous avons toujours exploré avec soin la sensibilité
précordiale chez tous les malades cardiaques ou nerveux
qui ont été l’objet de notre examen. Us ne nous ont point
(1) Revue Qén. de clin, et delherap., 1893, p. 1.
— 8 —
manqué dans notre service de l’hôpital Bichal, et nous
avons résolu d’exposer le résultat de nos recherches dans
cette étude séméiologique.
Les douleurs précordiales, suivant les cas, sont dues à
des causes multiples et toutes différentes les unes des au-
tres ; elles exposent à de fréquentes erreurs de diagnostic,
et, par conséquent, point capital, à d’aussi fréquentes er-
reurs de thérapeutique et de pronostic.
Les malades qui viennent se plaindre de douleurs pro-
prement dites, ou simplement de sensations pénibles dans la
région précordiale sont extrêmement nombreux, beaucoup
plus nombreux que ceux qui souffrent de la région thoraci-
que correspondante droite. Si, comme nous essayons de le
démontrer, ces douleurs sont la plupart du temps dues à
l’arthritisme, à une lésion pulmonaire ou pleurale, et sur-
tout à un état névropathique, on peut s’étonner de la fré-
quence des localisations à gauche, de leur rareté à droite,
et l’on comprend pourquoi les malades, et souvent aussi
les médecins songent invinciblement à établir une relation
de cause à effet avec le cœur.
La question des douleurs précordiales, étudiée dans tous
les ouvrages de pathologie et de clinique médicales, a été
magistralement traitée par le professeur Peter dans les
chapitres sur les points de côté (1) ; cependant, en dehors de
quelques questions de pathogéuie sur lesquelles nous n’in-
sisterons pas, M. Peter a assigné à la douleur dans les ma-
ladies de cœur certains caractères que nous n’avons jamais
rencontrés chez les malades soumis à notre observation.
(1) M. Peter, Clin, médic., t. I.
— 9 —
La même question avait été étudiée par Bonneau (1) mais
ce travail renferme des lacunes ou des erreurs que nous
essayons de combler en partie, en nous servant des ouvra-
ges qui ont été publiés depuis. Dès 1879, et surtout en 1883
M. Hucbard, dans ses études sur les angines de poitrine
s’est appliqué à. montrer l’importance de l’étude séméiolo-
gique des douleurs précordiales.
Plus récemment enfin, MM. G. Sée etNotbnagel (en Au-
triche) ont publié sur le même sujet le résultat de leurs
observations.
En somme, nous croyons pouvoir dire que le symptôme
douleur n’est pas propre aux maladies du cœur ; que les
nerfs du cœur ne souffrent pas, et que la douleur, si fré-
quente de la région précordiale, est due, quand elle existe,
soit à l’artérite, soit à la névralgie ou à la névrite des nerls
qui avoisinent le cœur : le plus souvent nerfs phrénique
ou intercostaux.
Mais au moment où nous achevons nos études médica-
les, notre premier devoir, et l’un des plus doux, est de re-
mercier tous nos maîtres des hôpitaux de Paris qui nous
ont aidé de leurs conseils et de leur haute expérience pen-
dant le temps que nous avons passé auprès d’eux.
M. le D' H. Iluchard dont nous avons eu l’honneur d’être
l’élève pendant la plus grande partie de nos études médicales,
nous a initié à la connaissance des maladies du cœur et à la
thérapeutique clinique. Il nous pardonnera de ne point trou-
ver de termes pour le remercier: il sait quelle reconnaissance
(i) Bonneau, De la douleur dans les maladies ducœur,ih.. de Paris, 1872.
jO —
nous lui gardons au fond du cœur pour rinallérable bonté
et l’amitié qu’il nous a toujours témoignées.
Nous avons eu également la bonne fortune etl’bonneur,
pendant notre dernière année d’externat, d’être l’élève de
M, le Professeur Terrier. Sous sa direction nous avons ap-
pris la pratique de la chirurgie antiseptique, qui nous
sera d’un si grand secours, et nous tenons ainsi, pour le
passé comme pour l’avenir à lui exprimer notre respec-
tueuse gratitude. Sous la savante direction de MM. les
D''® Renault et ’d’Heilly, nous avons appris les maladies de
la peau et des organes génitaux et les maladies de l’en-
fance. La sollicitude de ces excellents maîtres s’est éten-
due au delà des limites du temps que nous avons passé
comme externe dans leur service et nous tenons à leur
dire que nous n’oublierons jamais leur bienveillance à no-
tre égard.
Nous avons reçu de MM. Gouraud, Hypp. Martin, Va-
riot, Schwartz, Hartmann, Walther etDemelin un précieux
enseignement clinique médical ou chirurgical, et nous
avons pu étudier les accouchements sous la haute direc-
tion de M. le Professeur Tarnier. Nous les remercions ici
des leçons qu’ils nous ont données.
Collaborateur de \di Revue générale de Clinique et de thé-
rapeutique [Journal des Praticiens) depuis trois ans, nous
avons reçu non seulement de son directeur, mais aussi de
son rédacteur en chef, M. le D’’ Eloy, ancien interne des
hôpitaux, des témoignages d’atléctueuse bienveillance
pour lesquels nous avonsje devoir el le plaisir à la fois,
d’exprimer notre vive et sincère gratitude.
Nous n’oublierons pas non plus nos maîtres et amis de
l’hôpital Bichat, MM. les D” Weber, Péraire, et Guille-
main qui nous ont toujours aidé si obligeamment de leurs
précieux conseils.
Nous prions Monsieur le professeur Laboulbène, prési-
dent de l’Académie de médecine, d’agréer l’expression de
notre respectueuse reconnaissance pour l’honneur qu’il a
bien voulu nous faire en acceptant la présidence de notre
thèse.
CHAPITRE PREMIER
De la douleur en général. — Classification des
précordialgies.
Avant d’établir le plan de notre travail, et d’essayer de
classer les diverses précordialgies, il nous paraît indispen-
sable de dire quelques mots de là douleur en général, et
des diverses formes qu’elle peut revêtir.
Bien qu’il semble inutile de donner la définition d’un
mot dont chacun connaît le sens, et que tous, comme dit
Gerdy, connaissent par expérience, si nous voulons définir
la douleur, nous rappellerons ce qu’a dit à ce sujet M. Ch.
Eloy dans un très remarquable article (1).
« La douleur, dit-il, consistant à la fois dans une im-
pression, une sensation et une perception, la définition
suivante me paraît à coup sûr la plus acceptable :
« La douleur est toute sensation pénible perçue par les
centres nerveux, mais variée dans ses modalités, ses effets
et ses causes ».
« Au point de vue physiologique, ajoute-t-il, c’est une
modalité anormale de la sensibilité ; elle consiste dans un
trouble de la cénesthésie.
« Cliniquement, pour l’économie vivante, la douleur ré-
(1) Ch. Eloy, Art. Douleur, Diction, encyclopédique des sciences médi-
cales.
14
vêle une olîense de l’innervation sensitive, c’est l’appel au
secours de l’organisme » .
« Le mécanisme de la douleur, dit encore le même au-
teur auquel nous faisons de si larges emprunts, rentre,
pour ainsi parler, dans la formule générale du système sen-
sitif, et le schéma anatomique de ses phénomènes, est
constitué :
« 1“ A la périphérie par des organes récepteurs des im-
pressions pénibles ou désagréables;
« 2“ Par des nerfs servant à transmettre les impressions
aux centres après leur trajet dans un ganglion nerveux ;
« 3° Par l’axe gris de la moelle, laissant passer ces im-
pressions ou bien les retenant (action réflexe) ;
« 4® Par les fibres nerveuses, les conduisant à travers la
protubérance ;
« 5“ Par les cellules cérébrales hémisphériques, orga-
nes de perfectionnement delà sensation et siège de la per-
ception ou du sentiment de la douleur, auquel cas il exis-
terait une zone sensitive ».
Les explications théoriques de la nature de la douleur
ne satisfont pas complètement. Aussi n’y insistons-nous
point.
Au point de vue clinique, la douleur peut revêtir les for-
mes les plus variées, suivant la cause qui la produit, et sur-
tout suivant les malades. Elle (peut se présenter avec le
type continu, avec ou sans exacerbation, avec le type in-
termittent, régulier ou non.
Ses caractères sont encore bien plus variables, et, sui-
vant les sensations des malades, les noms les plus divers
lui ont été donnés. On la dit lancinante, — pongitive, —
— 15 —
contiisivo, — cuisante, — brûlante, — gravative, — an-
goissante, etc., etc.
Elle peut enfin être soit spontanée, soit provoquée par
l’effort ou la pression.
Les effets de la douleur sont également variables, sui-
vant son intensité et sa durée. Elle peut passer inaperçue,
ou déterminer divers accidents sympathiques, vomisse-
ments, convulsions, et même elle peut par elle seule ame-
ner la mort.
« La douleur peut causer la mort par syncope, inhibi-
tion des activités fonctionnelles, ou par épuisement ner-
veux. En effet le mécanisme de la mort par la douleur est
loin d’être unique, et, dans une même maladie, elle peut
la provoquer différemment ». (Ch. Eloy).
Il est encore un autre phénomène fréquent dans les af-
fections du cœur et des vaisseaux, dont nous aurons à cha-
que instant à parler, et qu’il est nécessaire de distinguer
de la douleur proprement dite ; je veux parler de l’angois-
se. L'angoisse et la douleur sont deux choses tout à fait
distinctes, pouvant exister simultanément, mais pouvant
de même se montrer l’une sans l’autre, et tout à fait in-
dépendantes l’une de l’autre.
L’angoisse peut être définie « une sensation de mort im-
minente, avec la crainte qu’elle inspire ». Elsner l’appelle
une pause de la vie.
M. Huchard, pour se faire comprendre des malades lors-
qu’il les interroge, s’ex[)rime de la manière suivante :
« On vous marche fortement sur le pied, de façon à l’é-
— i(i
craser, vous ressentez une vive soiiflrancc ; mais il ne vous
viendra pas à l’idée que vous pouvez en mourir. La dou-
leur que vous ressentez dans la poitrine peut être beaucoup
moins vive, et cependant ne vous donne-t-elle pas l’idée
et la crainte de la mort ? Quand je dis crainte delà mort,
je ne prétends pas que vous ayez peur de mourir. Il n’est
pas question ici de courage, il s’agit de savoir si l’accès
s’accompagne toujours ou presque toujours de cette an-
goisse caractéristique qui nous fait inconsciemment pen-
ser : Si cette douleur persiste encore, j’en mourrai ».
Cet interrogatoire définit l’angoisse mieux que ne sau-
raient le faire tous les termes scientifiques.
L’angoisse et la douleur sont donc deux phénomènes
absolument distincts, et peuvent exister l’un sans l’autre.
On peut avoir beaucoup de douleur avec peu ou pas d’an-
goisse, comme beaucoup d’angoisse avec peu ou- pas de
douleur. Ces deux termes ne sont donc pas synonymes,
et l’intensité de l’un de ces symptômes n’est pas propor-
tionnelle avec l’intensité de l’autre.
Nous n’essaierons pas d’expliquer la pathogénie de la
douleur dans les affections cardiaques quand elle existe ;
les opinions sont encore très controversées à cet égard.
Le cœur est-il sensible? Le péricarde lui-même est-il sen-
sible?
« Le cœur, dit Longet, peut être le siège de douleurs vi-
ves, comme cela s’observe pour d’autres viscères de la vie
organique insensibles à l’état normal ».
D’autres physiologistes, se fondant sur ce fait que le
17
cœur a pu être pincé et tenaillé sans provoquer de douleur,
en ont conclu que dans l’état ptithologique, il ne peut être
douloureux.
Malgré les recherches récentes de Hisset de Ilomberg, il
faut bien avouer que nous sommes dans une ignorance
presque complète en ce qui regarde la pathologie delà dou-
leur du cœur.
Il en est de même du péricarde, bien que les recherches
de Bochefontaine et Bourceret aient jeté un peu de lu-
mière sur ce point.
Ils ont démontré en effet, contrairement à l’opinion de
Bouillaud, que le péricarde à l’état normal et surtout à l’é-
tat pathologique possède une sensibilité propre, principa-
lement sur la face externe (1 ).
Ce qui prouve bien que la question est encore obscure,
que les précordialgies n’ont pas encore été complètement
étudiées, c’est que dans un ouvrage assez important Spehl
ne leur consacre que ces lignes (2) :
d) « Région précordiale ; palpitations, oppressions etc.
Examiner le cœur.
h) Douleur rétro-sternale ; examiner le cœur et les vais-
seaux. Parfois douleur provoquée parla toux.
c) Lorsque la douleur dans ces deux régions est très
vive et subite, avec angoisse extrême, angine de poitrine.
d) Point douloureux fixe dans le voisinage d’un des deux
mamelons, accompagné de fièvre et de toux pénible; pleu-
résie ou pneumonie.
(1) Académie des sciences, il décembre 1877.
(2) Spehl, Exploration clinique et diagnostic médical, Bruxelles, 1892.
Chevillot 2
t
— 18 —
e) Douleur dans le côté sans fièvre ni toux : pleurodynie.
/‘j Douleur le long des côtés : névralgie intercostale. ,'i
ÿ) Douleur dans les épaules (fosse sus-épineuse, triangle
sus-claviculaire, région sous-claviculaire); ou douleur in- ;.j
terscapulaire. Examiner s’il n’y a point de lésion du som- r‘
J J*
met. ;
h) Douleur vers l’angle inférieur de l’omoplate gauche ■
coïncidant avec douleur épigastrique : affection de l’esto-
mac, ulcère.»
C’est ainsi qu’il résume toutes les précordialgies. Sa ,i
classification est exacte, mais insuffisante.
*
¥ H-
Nous avons dit que les douleurs pouvaient être sponta- ,
nées ou provoquées. C’est ainsi que nous nous proposons
de différencier les douleurs de la région du cœur. ^
Mais il est bien entendu que notre classification néces-
sitée par le besoin d’un plan dans notre travail, n’a rien
d’absolu, comme du reste toutes les classifications. En
effet il est souvent impossible de ranger dans une même
classe tous les types cliniques d’une même affection. Rien
n’est plus variable que la douleur, suivant les tempéra- '(
ments et suivant les lésions qui la provoquent. 11 est bien
certain qu’en clinique il n’est pas possible d’établir une
division nette, qu’il y a un grand nombre de faits que
nous pourrons appeler faits de transition qui peuvent se
rattacher aussi bien à un type qu’à un autre, et que, com-
me le disait un de nos maîtres, M. Brocq, au sujet des |
dermatoses, il est impossible de ranger toutes les observa- i
•tions dans des cadres théoriquement constitués. « On doit I \
‘ iii
lu -•
mouler les conceplions paUiogéuiques sur les laits, et non
les faits sur les conceptions pathogéniques, x
La classification que nous proposons nous a semblé la
plus commode, parce qu’elle nous paraît pouvoir enfermer
la généralité des faits. Les cas hybrides sont heureusement
les plus rares : ils sont aussi les plus difficiles à diagnosti-
quer.
Cette restriction faite, nous avons cru pouvoir diviser
les douleurs de la région du cœur en trois classes.
Douleur d'effort. — Cette douleur toujours provo-
quée par un effort ou un mouvement brusque, comparable
a la « dyspnée d’effort » a pour caractère de ne pas être
produite ou augmentée par la pression. C’est -la douleur
de l’angine de poitrine vraie ou coronarienne.
2° Douleurs provoquées et augmentant par la pression.
— C’est la douleur des névralgies phrénique ou diaphrag-
matique, et intercostale, de la pleurodynie, de la cardiody-
nie, de toutes les affections nerveuses en un mot, qui peu-
vent simuler une affection du cœur, et de la péricardite.
3° Douleurs spontanées., insensibles à la pression et pou-
vant survenir sans cause occasionnelle, sans être produi-
tes j)ar un effort. Ce sont les douleurs des pseudo-angines
de poitrine (cardiacalgies de G. Sée), et enfin des algies
centrales des neurasthéniques.
%
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1.
*)
f
CHAPITRE II
Douleurs d’effort.
ANGINE DE POITRINE.
Dans son mémoire de 1883, et plus tard, dans son traité
des maladies du cœur et des vaisseaux, M. Huchard a con-
firmé par de nombreuses observations une opinion déjà
défendue autrefois parParry et HunleVàla fin du siècle der-
nier, puis par Potain, et G. Sée, à savoir que l’angine de
poitrine est due à une altération de l’aorte et surtout des
artères coronaires, ainsi qu’à toutes les lésions capables de
déterminer l’ischémie cardiaque.
L’angine de poitrine n’est donc pas une maladie: c’est
un'syndrôme que l’on peut trouver au cours de nombre
de maladies du cœur : myocardites aiguës et chroniques,
aortites aiguës et chroniques etc.
L’artério-sclérose, maladie générale due à l’endocardite
oblitérante des petits vaisseaux, joue le rôle le plus impor-
tant dans la production des accès angineux, accès que nous
pouvons décrire de la façon suivante, en reproduisant le
tableau clinique qu’en a donné M. Huchard.
« Un malade bien portant, il y a quelques secondes,
éprouve tout àcoup, sous l’influence d’une émotion, d’une
marche un peu précipitée, d’un simple effort, et quelquefois
du travail de la digestion, une douleur violente qu’il accuse
— 22
dans la région du cœur, le plus souvent sous le sternum,
et qu’il compare à un étau, à des grilles de fer, ùuneconsT
triction énorme de la poitrine. Il s’arrête sous le poids de
cette horrible souffrance qu’accompagne une sensation
d’angoisse indicible, un sentiment de péril imminent et de
fin prochaine. La face, qui exprime l’anxiétéla plus grande,
devient pâle, les extrémités se refroidissent, et le malade
immobile et altéré par cette agonie de souffrances, attend
avec effroi que prennent fin cette pause mystérieuse, cette
défaillance momentanée de la vie. En quelques secondes,
en quelques minutes, l’orage passe, la douleur angoissante
a disparu ; mais l'accès terminé laisse, pour longtemps
encore, dans le souvenir une terrifiante impression ».
Le caractère angoissant de la douleur est pathognomo-
nique de l’angine de poitrine.
« Le siège de la douleur, dit encore M. Hucbard, est
rapporté le plus souvent en arrière du sternum, à gauche,
à l’union du tiers supérieur de cet os avec le tiers mo^en ;
elle se montre aussi souvent à son bord droit, mais elle est
surtout sous-sternale, d’où le nom de sternalgie donné
par Baumes à ce syndrome. Parfois elle commence à la
partie inférieure ou moyenne du sternum (J. Blackall) ;
elle peut être rapportée aussi au creux de l’estomac, com-
me Butter l’avait déjà remarqué, et comme j"en ai vu des
exemples assez nombreux. Plus rarement elle commence
vers la pointe du cœur, au niveau de la quatrième ou cin-
quième côte; enfin, au lieu d’avoir un début central, elle
peut avoir un début périphérique, commencer par le bras,
les épaules et la face.
Les malades, pour exprimer les caractères de celte dou-
23 —
Sieur, emploient plusieurs expressions qui se ressemblent
presque toutes. Le plus souvent ils la comparent à un
S"' étau, à une étreinte, à un poids énorme, à une forle-éom-
*•< ■
pression tendant à rapprocher violemment la paroi tlio-
; racique de la colonne vertébrale, à des mains et à des
[ : grilles de fer, aune sensation de constriction thoracique,
/ de ceinture, d’un cercle de fer ou de cordes, de plastron
de plomb, de pieu traversant la poitrine, d’enfoncement,
; d’écrasement du sternum, de broiement, de déchirure, de
, crampe violente, de resserrement des parois thoraciques,
■ d’un fer ou d’un poignard traversant la poitrine de part en
, part. Cette douleur est angoissante, pongitive, et surtout
’ constrictive. Ce sont là ses caractères les plus imposants
: ' qui la distinguent le plus souvent des autres douleurs tho-
: ■ raciques. D’autres, moins nombreux, éprouvent une sen-
; salion de chaleur ou de feu, et l’un des malades de Jurine(l)
se plaignait d’un bouillonnement qui, du creux de l’esto-
mac, semblait remonter vers la poitrine.
Mais un caractère extrêmement important de l’angine
vraie, consiste dans sa provocation par l’effort, le mouve-
ment avec marche précipitée et contre le vent. Lorsque les
accès surviennent spontanément, ils sont le plus souvent
nocturnes, et sont alors remarquables par leur intensité
plus grande, et leur plus longue durée. Mais le fait de leur
provocation par l’effort est le plus souvent un indice suf-
fisant qui permet de distinguer une angine vraie d’une
pseudo-angine,
s
Les irradiations douloureuses sont, par ordre de fré-
quence :
(1) JuRi.NE, Mémoire sur l’angine de poitrine, Paris et Genève, 1815.
%
24
i L es membres supérieurs, el surtout le bras gauche,
comme nous venons de le démontrer ;
2" Vers le plexus cervical et les parties avoisinantes, dou-
leurs au cou sur le trajet du plexus cervical, à la face, à la
langue, (Trousseau), au menton, à l’oreille, (Butter, Wich-
maun, Gauthier), à l’arliculation temporo-maxillaire où
elles déterminent une sorte de trismus, à la nuque ;
3° Vers les branches extra-cardiaques du pneumogastri-
que, à la gorge, au larynx, à l’œsophage, à l’estomac et au
foie_, etc., causant alors de l’aphonie, une sensation de
constriction et de fausse boule hystérique, une sensation
de chaleur à la région épigastrique, des nausées, des éruc-
tations, des vomissements, une distension gazeuse consi-
dérable, des douleurs à l’hypocondre droit, pouvant simu-
ler des coliques hépatiques ;
4° Vers les nerfs intercostaux et diaphragmatiques : dou-
leurs au cou entre .les scalènes et sur le trajet des nerfs
phréniques, à la base du thorax, d’où la sensation de cons-
triction ; aux apophyses épineuses des vertèbres, aux es-
paces intercostaux, aux mamelons, d’où la douleur cons-
trictive en travers de la poitrine signalée par Folhergill, et
l’hyperesthésie des régions mammaires constatée parLaen-
nec.
5° Vers la région hypogastrique (Blakall), vers le tes-
ticule avec gonflement inflammatoire de cet organe (Hoff-
mann, Laennec, Gintrac), ou névralgie ilio-scrotale (Axeii-
feld), aux cuisses étaux membres inférieurs (Friedreich) ».
Les accès peuvent dans certains cas se succéder sans in-
terruption, et constituer ce que M. Huchard a désigné sous
— 25 —
le nom « d’état de mal angineux » (accès répétés, imbri-
qués et subintrants).
Les malades, sous rinfluence de cette douleur intense,
prennent ordinairement une attitude particulière. Comme
la douleur les surprend le plus souvent pendant la marche,
ils s’arrêtent en portant la main à la région précordiale et
en rejetant la tête en arrière. Ils peuvent prendre alors
les positions les plus variées pour attendre la fin de l’ac-
cès dans l’attitude qui leur est le plus commode^
En résumé l’angine de poitrine est caractérisée par ces
trois grands symptômes subjectifs, V angoisse^ la douleur^
et la pâleur de la face.
Les accès sont toujours provoqués par un effort (par
la marche, l’action de se baisser, de monter un escalier,
etc.). Il faut faire toutefois une exception pour les accès
nocturnes, qui sont remarquables par \q\xv spontanéité leur
intensité et leur durée (Heberden, Hucliard). Ce phénomè-
ne peut se rapporter à la position couchée qu’occupent
alors les malades.
A côté de ces accès typiques d’angine de poitrine carac-
térisés, comme nous l’avons dit, surtout parle mélange de
douleur et d’angoisse, nous devons mentionner les accès
frustes à' angorpectoris dont Jurine, Peter, et sur tout M. Hu-
chard ont rapporté de si remarquables exemples.
Il peut arriver en effet que l’on ne constate pas pendant
la vie du malade les signes habituels de l’angine de poitri-
ne avec douleur franchement sous-sternale, avec irradia-
tions aux membres supérieurs et angoisse caractéristique.
M. Ilucbardfait remarquer (1) que « l’histoire clinique de
(L Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1887.
— 20 —
r^uigiiic de poitrine a été trop dramatisée et qu’elle ne se
manifeste pas toujours avec son cortège symptomatique
iiu complet. L’angoisse peut faire défaut, ce qui est le cas
le plus rare, ou encore l’angoisse, existe seule sans douleur;
souvent l’accès se borne à une sensation de resserrement
ou de poids au niveau du sternum sans irradiation aux
membres supérieurs ou ailleurs ; parfois môme la douleur
commence et reste périphérique, et c’est ainsi que l’on
peut citer des cas où les accès angineux sont constitués
par une sensation de resserrement au coude ou au poignet
coïncidant avec un sentiment d’angoisse sans douleur au
niveau de la région sous-sternale ; d’autres fois, c’est le
siège de la douleur qui est différent, il existe soit à gauche
du sternum, soit derrière cet os, soit encore, mais plus ra-
rement, à la partie moyenne du cœur ; d’autres fois encore
la sternalgie angineuse, au lieu d’être supérieure, est à la
partie inférieure du sternum au niveau de l’appendice xi-
phoïde, où elle peut en imposerpour l’existence d’une gas-
tralgie ou d’une affection de l’estomac, surtout lorsque ces
accès de sténocardie fruste ou larvée présentent leurs pa-
roxysmes après les repas, comme cela se voit chez pres-
que tous les angineux. Il est certain que de fréquentes er-
reurs de diagnostic ont été ainsi faites, qu’on a conclu trop
facilement à l’absence d’attaques franchement angineuses,
chez des malades qui avaient de ces accès pseudo-gastral-
giques pendant la vie, et qui ont présenté à l’autopsie des
lésions plus ou moins avancées des coronaires : il est cer-
tain encore qu’on a très souvent attribué à l’existence d’une
vraie gastralgie ces accès à'anijor pectoris à siège épigastri-
que^ comme on attribuait autrefois toujours à la gastral-
gie, soit les crises gastriques du tabes dorsal, soit les dou-
leurs pseudo-gastralgiques de la lithiase biliaire ».
C’est ainsi qu’il y a plus de quinze ans, deux auteurs an-
glais, Leared etBroadbent, avaient cité un certain nombre
d’observations de morts subites survenues chez des aorti-
ques ayant soutîert pendant la vie de douleurs gastriques.
Poiir.M. Iluchard, ces malades ont succombé à une angine
de poitrine « à siège épigastrique », et la mort subite n’é-
tait attribuable qu’à l’ischémie cardiaque par sclérose des
coronaires comme pour le cas précédent.
Enfin Tangor, dans ses formes anormales, peut revêtir
le type pulmonaire, et s’accompagner de dyspnée et de con-
gestion du poumon. M. Huchard, qui en rapporte un cas
intéressant (1), a aussi étudié cette forme dans laquelle la
douleur irradiée peut faire défaut, où la douleur rétro-
sternale est absente, et où les malades n’éprouvent que la
sensation d’angoisse, d’état syncopal et de suffocation.
M. Peter reconnaît qu’il existe un type dyspnéique de
l’angor. Laennec avait admis qu’il peut y avoir douleur
dans les poumons et le cœur, à la fois névralgie cardiaque
et pulmonaire.
Cahen, qui regard l’angor pectoris comme une névrose
vaso-motrice des organes de la poitrine cite une observa-
tion d’angine avec dyspnée suivie d’une hémoptysie qui
dura 20 jours. Les observations sont nombreuses aussi
dans lesquelles les accès d’angine de poitrine s’accompa-
gnent de symptômes gastriques violents (accès de gas-
tralgie intense, dilatation de l’estomac, vomissements, vo-
(1) Hüchard, Angine de poitrine cardiaque et pulmonaire, 1879, p. 12.
— 28
miturilions, tympanite, douleurs vives dans la région du
foie ressemblant à des coliques hépatiques, etc.).
La mort même peut survenir, dans l’angine de poitrine
la mieux caractérisée, au milieu d’un accès constitué uni-
quement par une syncope (syncope angineuse de Parry).
Pour résumer cette longue description, nous n’avons
qu’à énoncer les trois lois cliniques que M. Huchard a as-
signées au syndrome angineux^ et qui, nous disait-il dans
sa leçon sur les préc07'clialgies, « ne l’ont, pour ainsi par-
ler, jamais trompé dans près de six cents cas soumis à son
observation ».
i° Toute angine de poitrine produite par un effort quel-
conque, est une angine vraie.
2“ Toute angine de poitrine se produisant spontanément,
est une pseudo-angine de poitrine.
3» Lorsqu’un malade ayant des crises provoquées par
l’effort, en a de spontanées pendant la nuit, la première
loi n’est pas en défaut; il s’agit toujours d’un angineux
vrai.
CHAPITRE III
Douleurs spontanées.
PRÉCORDIALGIES PSEUDO-ANGINEUSES. — ALGIES
CENTRALES.
Immédiatement après l’angine de poitrine, nous devons
étudier les précordi algies pseudo-angineuses, d’origine et
de causes diverses, précordialgies parfois difficiles à dia-
gnostiquer, et qui, si souvent, font naître dans l’esprit du
malade l’idée^ de l’angine, idée préconçue efmal fondée,
contre laquelle on ne peut lutter, et qui s’implante si bien
chez les patients (des neurasthéniques pour la plupart),
qu’elle peut dégénérer en anginophobie et les amener au
suicide, comme on en a rapporté des cas.
M. Huchard et divers auteurs ont décrit sous le nom de
pseudo-angines de poitrine les diverses précordialgies à
forme angineuse qui peuvent se confondre avec l’attaque
d’angor. M. G. Sée était si bien persuadé de la grande dif-
férence qui existe entre ces deux syndromes, l’un d’ori-
gine artérielle et l’autre purement nerveux qu’il avait voulu
désigner le second sous un nom qui ne puisse prêter à la
confusion, et il a décrit les précordialgies pseudo-angineu-
ses en les appelant « Cardiacalgies », terme qui ale tort
de pouvoir se confondre avec la cardialgie ou gastralgie
— 30 —
douloureuse aiguë. Bouchul avait désigné sous ce nom de
cardialgie, la né.vralgie du cœur (1).
Nous pouvons, avec ces maîtres, reconnaître trois clas-
ses principales de précordialgies à forme angineuse :
r Pseudo-angines toxiques,
2° Pseudo-angines d’origine réflexe.
3° Pseudo-angines nerveuses.
Ces trois classes peuvent elles-mêmes se subdiviser en
plusieurs groupes suivant les agents ou les diathèses qui
en sont la cause.
Mais toutes ces précordialgies à forme angineuse ont un
caractère commun : elles se distinguent des accès d’angine
de poitrine parleur spontanéité. Chez les nerveux elles
peuvent être provoquées parla pression. Ces deux signes
ne se rencontrent jamais dans l’angor pectoris.
Ceci établi, nous allons essayer de résumer les caractè-
res distinctifs de ces diverses affections, sans insister sur
leur pathogénie, afin de ne pas répéter ce qu’en ont dit
avant nous les maîtres qui les ont étudiées, et en particu-
lier M. Huchard, en nous plaçant seulement au point de
vue séméiologique, pour nous conformer au but de notre
travail. '
1. — Précordialgies pseudo-angineuses d’origine
TOXIQUE.
A. Pseudo-angine tabagique, — 11 faut reconnaître avec
M. Huchard trois sortes d’angines de poitrine tabagiques.
a) L’angine de poitrine organique, ou scléro-tabagique
(1) Bouchut, Congrès pour l’avuncemenl des sciences, Rouen, 1883;
À.
® (Iluchard), qui produit la sclérose des coronaires (car il
est démontré que le tabagisme peut se ranger parmi les
A causes les plus fréquentes de l’artério-sclérose), et sur la-
: quelle nous n’insistons pas puisqu’elle rentre dans le cas
des angines de poitrine vraies, d’origine coronarienne.
■ d) L'angine de poitrine fonctionnelle ou spasmo-taba-
; i gique, relativement bénigne, résultant de l’état spasmodi-
icj,' que des artères coronaires sans altération du myocarde,
et guérissant par la cessation de l’usage du tabac.
c) L’angine de poitrine fonctionnelle à forme gastro-
i?- tabagique, la plus bénigne de toutes, résultant de l’irrita-
tion stomacale produite par le tabac.
Généralement les douleurs à forme angineuse tiennent
le second plan dans ces deux derniers groupes. Le princi-
|i| pal symptôme réside dans les accidents d’intoxication
j^i' tabagique.
^'1 Sauf les cas où le tabac a déterminé la sclérose artifi-
cielle, et ceux où il a déterminé un état gastrique qui de-
mande des soins particuliers, les accès disparaissent quand
ti le malade cesse de fumer.
ïS
B. Accidents pseudo-angineux toxiques de diverses
^ origines. — Les accidents causés par le tabac peuvent se
produire, et avec des différences semblables, sous l’in-,
Il fluence d’un certain nombre d’autres agents toxiques, par-
pj mi lesquels :
Le thé et le café (Percival, Stokes, Guelliot, Eloy, Hu-
chard).
L’ergot de seigle (Nesley, Mills).
I f . L’oxyde de carbone (Renault).
Â
i
— 32 —
Enfin dans cerlains cas on peut accuser l’impaludisme
aigu.
II. — PrÉCORDIALGIES PSEUDO-ANGINEÜSES
d’origine Réflexe.
Elles sont de deux sortes, suivant leur origine périphé-
rique ou viscérale.
à) Les pseudo-angines dues à une action réflexe d’ori-
gine périphérique peuvent reconnaître pour cause une né-
vralgie intercostale ou phrénique, ou toute névralgie de
la paroi thoracique ou dorsale.
Ces accidents ont été étudiés aussi sous le nom de car-
diodynie.
Les névrômes, les névralgies et les traumatismes du
bras gauche peuvent, ainsi que M. le professeur Potain
l’a démontré (1) être le point de départ d’accidents de
même nature, ainsi qu’il en rapporte de remarquables
exemples.
Comme dit notre maître, M. Huchard, deux cas peuvent
se présenter :
1“ Une angine de poitrine vraie par sclérose coronaire
est accompagnée d’une névralgie dorso-intercostale sans
que celle-ci joue le moindre rôle dans la production des ac-
cès sténocardiques.
2° Une névralgie périphérique (le plus souvent dorsale,
ou dorso-intercostale), s’accompagne d’accès pseudo-angi-
neux, de nature névralgique, sous la dépendance de l’état
douloureux.
(1) Potain, Congrès de la Rochelle, 1882.
b) Les pseudo-angines peuvent encore, ainsi qu’un cer-
(ain nombre d’auteurs, entre autres M. Potain, l’ont dé-
montré, résulter d’une névralgie des nerfs viscéraux. Ces
accidents sont dus a un état sympathique des organes, le
plus souvent de l’estomac (ce qui fait dire à Stokes et à
Gueneau de Mussy que la cardialgie peut être confondue
avec l’angor), et quelquefois du foie.
Les accidents cardio-pulmonaires consécutifs aux mala-
dies des voies digestives (les plus fréquents de tous), peu-
vent affecter trois formes :
1° Forme cardiaque : palpitations, arythmie, gêne et
anxiété précordiales.
2° Forme pulmonaire avec dyspnée, dilatation du cœur
droit, accentuation du deuxième bruit pulmonaire, léger
souffle tricuspidien, et bruit de galop droit.
3° Forme cardio-pulmonaire, le plus souvent fruste, avec
faible anhélation, palpitations et légère anxiété précordiale.
La pathogénie de ces accidents d’origine gastro-intesti-
nale a été élucidée par M. Potain. L’excitation qui peut
partir du foie, de l’intestin, et surtout de l’estomac déter-
mine une contraction exagérée, et une tension élevée dans
les vaisseaux pulmonaires, d’où dilatation du cœur droit.
Si on compare à l’angor cette précordialgie angineuse
d’origine gastro-intestinale, on verra qu’elle en diffère par
les signes suivants :
l"Les accès qui surviennent ordinairement pendant la
digestion sont moins longs et moins douloureux que ceux
de Fangor ;
2° La douleur est une douleur de distension, précordia-
le, et non sous-sternale, rarement irradiée ;
CllEVlLLOT 3
3° Elle s’observe à tout âge, el surtout chez la femme
(l’usage du corset peut en être la cause) ;
4° Les accès ne sont jamais provoqués par les efforts
III. — Précordiâlgies pseüoo-angineuses
d’origine névrosique.
M. G. Sée reproche aux auteurs qui ont étudié les pseu-
do-angines d’avoir confondu sous ce nom tout ce qui ne
peut se rattacher à la sclérose coronaire. D’après lui, la
confusion ne semble pas possible entre les cardialgies des
névropathes el les accès d’angor. Ceci est peut-être trop
affirmatif, et le diagnostic est plus difficile à faire dans le
plus grand nombre des cas, surtout quand on observe des
accès pseudo-angineux chez des angineux vrais, ainsi que
nous en rapporterons des exemples.
Ces douleurs localisées à la région du cœur dans un grand
nombre de cas chez les névropathes, offrent des caractères
essentiels, permettant de les différencier des autres pré-
cordialgies, et en particulier de l’angor.
Il n’existe pas de pseudo-angines, dit M. G. Sée, mais il
existe des cardiacalgies sans lésions du cœur ; d’après lui,
les précordiâlgies à forme angineuse ne présentent jamais
les phénomènes caractéristiques de l’angine, l’angoisse
mortelle, la fixité de la respiration sous peine de douleurs
vives, le calme habituel du cœur. Nous’ sommes absolu-
ment du môme avis, quant au fond, mais nous croyons
qu’il existe des cas où la douleur des précordiâlgies névro-
pathiques revêt la forme angineuse à s’y méprendre, si
l’on ne se souvient pas des trois lois cliniques formulées
par .Al, lluchard au sujet del’augor, et, même dans ce cas,
demandant un examen et un interrogatoire sévères du
malade, pour permettre d’établir le diagnostic.
Indépendamment de la prédominance de l’angor dans
le sexe masculin, et delà plus grande fréquence de la né-
vropathie chez la femme, on peut dire que les accès né-
vropathiques sont toujours spontanés, qu’ils sont souvent
périodiques, nocturnes, sujets à répétition, et qu’ils sur-
viennent souvent aux mêmes heures; qu’ils sonttoujours
associés à d’autres symptômes hystériques.
Ils peuvent revêtir la forme vaso-motrice (par spasme
artériel), ou la forme fi-anchement névralgique. Dans ce
dernier cas, la localisation de la douleur au nerf phréni-
que est celle qui peut tromper le plus facilement.
Les mêmes accidents à forme angineuse peuvent être
rencontrés dans les grandes névroses, en particulier dans
legoître èxophtalmique,' qui n’est pas seulement une né-
vrose cardiaque, mais une névrose généralisée. Parry, le
premier, a signalé la coïncidence de l’angine de poitrine
et du goitre exophtalmique. Après lui, de nombreux au-
teurs en ont parlé. Mais dans beaucoup de cas" il ne s’a-
git que des précordialgies à forme pseudo-angineuse qui
nous occupent. Dans quelques cas on a constaté la coexis-
tence del’angor, mais les deux affections paraissent avoir
été absolument indépendantes l’une de l’autre.
Quant à la neurasthénie, cette maladie protéiforme et
inconstante par excellence, on ne pourra s’étonner delà
fréquence des accidents pseudo-angineux que l’on y pourra
rencontrer. La nature en sera facilement désignée par la
constatation de l’état névropathique du sujet, et ils n’oD
frent rien de particulier en deliors des caractères des pseu-
do-angines névrosiques.
Au reste, nous ne saurions mieux faire que de reproduire
les tableaux diagnostiques queM. Huchard a donnés dans
son Traitédes maladies du cœur et des vaisseaux ; nous
n’avons rien à y ajouter.
Angine de poitrine.
{Par sclérose des coronaires.)
Cause anatomique. — Aortite, sclérose et sténose des coronaires, af-
fection artérielle.
Symptômes. — Accès de courte durée, toujours provoquée, ne pou-
vant être spontanés que la nuit. Pas de points douloureux à la pression
sauf s’il y a complication de névralgie phrénique ou cardiaque. Douleur
sous-sternale, angoissante. Pas d’accidents asystoliques pendant les accès,
signes d’artério-sclérose.
Pronostic. — Très grave, mort fréquente.
Traitement. — Médication artérielle.
Pseudo-angine spasmo-tabagique.
(Par spasme des coronaires.)
Cause anatomique. — Etat spasmodique des coronaires.
Symptômes. — Accès d’aiigor associés à des accidents divers d’intoxi-
cation tabagique : vertiges, troubles gastriques et respiratoires, etc. —
Accès angineux s’accompagnant souvent de troubles dans le fonc-
tionnement du cœur ; ralentissement des battements, intermittences,
arythmies, palpitations, lipothymies, etc. Accès souvent plus longs.
Accès spontanés le plus souvent, rarement provoqués.
— 37 —
PaoxosTic. — Rapide disparition des accès par la suppression de la
cause (tabac). Mort très rare.
Pseudo-angine névralgique.
(Par névralgie, hgperémie oa inflammation des nerfs cardiaques.)
C.\csEs ANATOMIQUES. — Aoi’titc avoc iiévrito du plexus cardiaque ;
hyperémie et névralgie du plexus cardiaque. All’ection névralgique ou
nerveuse, névritique.
Symi’TOMes. — Douleurs moins franchement paroxystiques, souvent
périodiques, survenant à la même heure (pseudo-angine névralgique des
hystéri(iues, des neurasthéniques, etc) ; non provoquées par la marche
ou l’elfort, mais souvent provoquées par l’action du froid. Douleurs
souvent permanentes.
Douleurs de longue durée, ne cessant pas par l’arrêt do la marche ou
la cessation d’un elïort.
Existence de points douloureux à la pression, surtout sur le trajet
des phrénûiues (névrite du plexus cardiaque et du nerf diaphagmati-
que). ^
Angoisse moins accentuée, toujours associée à la douleur.
Souvent accidents asystoliques dans le cours des accès (dans l’hyperé-
mie rhumatismale du plexus cardiaque).
Pronostic. — Pseudo-angine, jamais mortelle, excepté dans les cas
assez fréquents où la névrite cardiaque est associée à la sclérose coro-
naire. •
Traitement. — Médication anti-nerveuse, antinévralgique, antiné-
vritique ; bons effets de la médication révulsive.
Pseudo-angine névralgique réflexe.
{Affection nerveuse).
Symptômes. — Accès spontanés parfois, mais souvent provoqués par
les mouvements du bras gauche, par la pression sur les nerfs doulou-
reux.
Douleurs provoquées à la pression des nerfs douloureux.
— 38 —
l’itoxosTic tx'miii ; — Ne so. toniiinn jamais par la morl.
Tii.viTHMKN'r. — Hévulsil's, calmants, auliiiévralgi<|ucs, etc. En
snmé, médication ncrvcuso on antinévralgi(|ue.
ré-
Pseudo-angine réflexe.
{d'origine gastro-inlestinule).
C.vusE ANATOMIQUE. — Distoiisioii dcs cavités du cœur, consecutive
aux troubles gastriques.
Symptômes. — S’observe à tout âge, peut-être plus souvent chez la
l'emme.
Longue durée des accès non provoqués par la inarcbe ou l’ellbrt,
survenant après le repas, ou sous l’influence du travail digestif.
Douleur précordiale et non sous-sternale, avec sensation de plénitude
de la poitrine, de distension du cœur, avec moins d’irradiations aux
membres supérieurs. Douleur vague et confuse de la région cardiaque,
s’accompagnant souvent d’anbélation, d’oppression et de dyspnée, avec
état lipotb y inique.
Signes de dilatation du cœur droit accompagnée parfois d’insulTisance
tricuspidienne, d’augmentation dans la tension du système pulmonaire.
Attaques fréquentes de cardiectasie et d’asystolie. Retentissement dias-
tolique de l’artère pulmonaire, siégeant à gauche du sternum. Parfois
bruit de galop droit.
Augmentation de la matité précordiale, surtout dans le sens trans-
versal.
Dans la pseudo-angine de poitrine d’origine gastrique avec douleurs
gastralgi([ues, accès non provoqués’par les eflorts.
Jamais les accès ne sont provoqués par les elïorts.
PiioNOSTic. — Mort très rare.
'fuAiTEMENT. — Médicatioii antidyspcpti(]ue, etc.
Algies centrales. — U est un point de clinique sur lequel
39
nous voulons insister. Nous avons eu l’occasion d’obser-
ver quelques malades qui ressentaient dans la région pré-
cordiale de vraies douleurs en dehors de toute manifesta-
tion cardiaque, et même en dehors de tout état névralgique.
Ces malades étaient toujours des neurasthéniques, il est
vrai, mais on ne rencontrait point chez eux les points dou-
loureux des névralgies intercostales ou phréniques, ou
même du mammaire externe, que l’on trouve d’ordinaire,
et qui permettent d’expliquer les précordialgies pseudo-
angineuses qu’ils éprouvent.
Ces neurasthéniques forment une classe à part, encore
mal connue ; ils ressentent des douleurs vives, localisées
dans les endroits les plus divers, et parfois à la région pré-
cordiale.
Ces douleurs ont pour caractères :
1° De n’être pas dues à une lésion artérielle ;
2° De lieras exister sur le trajet d’un nerf ;
3° De ne pas être sensibles à la pression ;
M. Blocq les a étudiées sous le nom de « topoalgies »,
et M. Huchard sous le nom d’ « algies centrales » (1). De
telles douleurs ont un siège central et non périphérique ;
elles sont comparables en tous points à celles que les am-
putés localisent dans le membre qu’on leur a enlevé, ou
encore aux douleurs fulgurantes du tabes dont l’origine
centrale est reconnue.
Les algies centrales des neurasthéniques peuvent s’ins-
taller lentement, dans quelques cas : le plus souvent elles
succèdent à de fortes émotions ou à des traumatismes.
(1) Hüchard, Les neurasthénies locales, Arc/t. de médecine et Soc.méd.
des hôp., 1892 ; P. Blocq, La topoalgie, Gaz. hebd, de méd., 1891.
«
— 40 —
Elles ne s’accompagnent ordinairement d’aucun des signes
de l’hystérie, et elles peuvent revenir à des périodes fixes,
plus ou moins rapprochées. Elles peuvent encore persister
pendant longtemps, elles résistent à tous les moyens de
traitement, et elles se localisent aussi bien dans les viscè-
res qu’à la périphérie.
C’est dans cet ordre de faits que doivent se rangerai!
point de vue palhogénique et thérapeutique, un certain
nombre de ces grandes névralgies pelviennes qui étaient à
l’ordre du jour à la société de chirurgie à la fin de l’année
1892. Ces douleurs localisées par les malades dans la ré-
gion péri-ovarienne, ne guérissent pas plus après l’hysté-
rectomie qu’après l’ovariotomie. C’est que ce sont des
douleurs d’origine centrale, ainsi que M. Potain et plu-
sieurs chirurgiens en ont rapporté des exemples, et que la
thérapeutique médicale ou chirurgicale se trouve absolu-
ment désarmée en pareil cas.
Ces algies peuvent se localiser à la région précordiale.
Elles peuvent alors simuler l’angine (malgré l’absence des
signes cardio-artériels), et surtout les pseudo-angines ner-
veuses (malgré l’absence de symptômes hystériques).
M. Huchard attire l’attention sur ce fait que les mala-
des, dans ce cas, « n’éprouvent rien à demi et parlent tou-
jours au superlatif », que l’on remarque chez eux le man-
que d’énergie et la diminution de la volonté, et de même
que l’hypocondrie est la maladie des idées fixes, la neuras-
thénie est la maladie des sensations fixes.
P. Blocq a caractérisé de la façon suivante la « Topoal-
— 41
gie » : « Les malades souffrent exclusivement ou princi-
palement d’une douleur localisée dans une région variable
mais non en rapport avec un territoire anatomiquement
ou physiologiquement délimité. L’affection est lente et
peut guérir ; le diagnostic doit être fait avec les algies des
hystériques et des hypocondriaques.
Ce diagnostic sera aisément fait en l’absence des signes
de ces deux affections. Dans le cas où il subsisterait des
doutes au sujet de l’angor, nous devons rappeler que « na-
turam mbrhorum ostendimt curationes ». Or nous avons
dit que les algies centrales sont rebelles à tout traitement ;
ce qui n’est pas le cas de l’angor, au moins au point de
vue de la sédation des douleurs. Les moyens qui ont donné
à P. Blocq les meilleurs résultats sont : le rétablissement
de l’équilibre psychique, et la mobilisation de l’image sen-
sitive fixe. Mais ils ne rentrent pas dans les procédés thé-
rapeutiques ordinaires.
11 peut arriver aussi que l-’on observe des cas où la dou-
leur de l’angor alterne avec les accès de précordialgie à
forme angineuse'des hystériques, ou avec les algies cen-
trales des neurasthéniques, comme M. Huchard en a rap-
porté des exemples dans la thèse de son élève Leclerc (1),
et comme nous avons pu nous-même en recueillir une ob-
servation dans son service.
Il s’agit des malades qui, en dehors de leur cardiopathie
artérielle offrent des symptômes non douteux d’hystérie
ou de neurasthénie, qui ont eu des accès d’angine de poi-
trine vraie, mais qui, spontanément (nous insistons sur ce
fait), présentent des accès de douleur, à forme angineuse
!'
«
(1) Leclerc, L’angine de poitrine hystérique, Thèse, Paris, 1887.
dans la région précordiale, ou ressentent des douleurs d’o-
rigine centrale qu’ils localisent à cette même région.
Dans ce cas, ainsi que nous l’a prouvé M. Blocq, il existe
un véritable dédoublement de la personnalité, en : person-
nalilé consciente qui a éprouvé réellement les accès d’an-
gor, et personnalité inconsciente qui se souvient de la dou-
leur éprouvée, et, rapportant à la même cause une algie
nouvelle, la localise au même endroit, et croit l’éprouver
dans les mêmes conditions. C’est donc surtout un dédou-
blement de la sensibilité.
Albot, qui a étudié la pseudo-angine de poitrine hysté-
rique chez les cardiaques, n’a pas signalé ce fait de la con-
comitance de l’angor et des accidents pseudo-angineux,
bien qu’il rapporte une observation de M. Landouzy qui
peut être interprétée de cette façon. Notre maître, M. Hu-
chard, en a rapporté quelques cas. Le diagnostic, dans ces
cas, ne peut s’établir que sur la spontanéité des accès d’o-
rigine nerveuse.
IV. — Parallèle entre les précordialgies
ANGINEUSE ET PSEUDO-ANGINEÜSES.
Nous avons VU dans un précédent chapitre quels sontles
caractères que M. Huchard assigne à l’angine de poitrine
vraie., coronarienne. Pour lui, la douleur est un si-
gne presque infaillible de cette angine, et après avoir dit
autrefois en 1883, « qu’il n’y a pasuneangine de poitrine,
mais qu’il y a des angines », il est arrivé à dire maintenant :
« 11 n’y a qu’une seule angine de poitrine, l’angine corona-
rienne ; toutes les autres sont fausses ». La première se
termine par la mort ; les autres ne se terminent jamais ou
presque jamais par la mort. Depuis que son attention est
attirée sur cette question, c’est-à-dire depuis son premier
travail de 1879 et celui de 1883, la valeur séméiologique
de la douleur d'effort pour la sténocardie vraie n’a été en
défaut qu’une seule fois, et sa statistique porte sur plus de
300 cas observés .d’angines et de pseudo-angines.
La rigueur de ces conclusions est sans doute contestée
par beaucoup d’observateurs ; ou reproche à notre maître
d’être trop exclusif, on lui objecte quelques cas de sténo-
cardies mortelles alors que l’autopsie n’a permis de cons-
tater aucune lésion oblitérante des coronaires. Il a fait
justice de cette objection dans son Traité clinique des ma-
ladies du cœur. On lui a objecté encore des cas de mort par
névralgie ou névrite cardiaque. Notre maître ne nie pas
ces faits ; mais, de ce que l’on puisse mourir d’une né-
vralgie ou d’une névrite cardiaque, est-ce une raison pour
confondre l’angine coronarienne et la pseudo-angine né-
vralgique? De ce que la pneumonie et la pleurésie ont pour
symptôme commun un point de côté , a-t-on jamais
eu l’idée de confondre nosologiquement ces deux mala-
dies?
Dernièrement, M. Brissaud (1) citait l’observation d’une
malade de 25 ans, hystérique, chez laquelle des crises
violentes à'aiigor pectorïs alternaient avec des accès de
névralgie faciale. Elle mourut au milieu d’un de ses accès
angineux. Mais, il n’y a pas eu autopsie, et quand même
il y en aurait eu, elle n’aurait eu aucune façon résolu le
(1) Communication orale faite h M. Huchard.
problème. Elle aurait démontré que l’on peut mourir de
névralgie cardiaque, ce qui n’est pas niable ; mais elle n’au-
rait aucunement prouvé que l’angine de poitrine est un
syndrome hybride pouvant dépendre, tantôt d’une coro-
narite oblitérante^ tantôt d’une simple douleur du plexus
cardiaque, ou encore d’autres causes, puisque l’on compte
dans la science près de 50 explications différentes sur le
syndrôme angineux.
M. Dieulafoy qui ne partage pas cette opinion exclusive,
s’exprime en ces termes :
« Que le malade qui a une coronarite oblitérante soit
plus gravement atteint que celui qui ne l’a pas, d’accord ;
mais ce n’est pas une raison pour dire que ce dernier a une
fausse angine ; il a si peu une fausse angine que ses accès
peuvent être terriblement douloureux, angoissants et mor-
tels Je pose donc en principe que tout individu atteint
d’angine de poitrine peut en mourir » (1).
A cela, M. Huchard répond (2) : « Oui, les accès des
pseudo-angines peuvent être plus douloureux, plus angois-
sants, ils sont même de plus longue durée que ceux de
l’angine coronarienne, comme nos observations, celles de
Marie et de mon élève Le Clerc (3) l’ont démontré. Mais
Yintensité delà douleui^ à laquelle M. Dieulafoy paraît attri-
buer une importance prépondérante n’a jamais été un si-
gne distinctif permettant de différencier deux maladies.
Voyez ce qui arrive chez les angineux vrais : la douleur est
(d) Dieulafoy, Manuel de 'pathologie interne, T édition, 1894, t. l",
p. 615.
(2) Communication orale.
(3) Marie, Revue de méd., 1882. — Lf. Clerc, loc. cil.
45
parfois peu intense, et les malades meurent souvent subi-
tement de syncope et sans aucune douleur. Or, il n’en est
pas de même des cas de morts — extrêmement rares —
dans les pseudo-angines névralgiques. Les malades meu-
rent par excès de douleur et nullement par syncope.
« D’un autre côté, poser en principe que « tout indi-
vidu atteint d’angine de poitrine peut en mourir » c’est
faire en médecine, l’exclusivisme que l’on me reproche. Sur
cent angines de poitrine, il y en a vingt qui mourront pres-
que infailliblement (angine coronarienne) ; il y en a 80 qui
n’en mourront jamais (pseudo-angine névralgique). » L’im-
portant, en séméiologie, est de ne pas confondre ces cas
si disparates au point de vue du diagnostic et surtout du
pronostic. Et puisque, dans les deux cas, la terminaison
est si différente, la place nosologique pour ces deux caté-
gories d’accidents ne doit pas être la même, pas plus que
leur place en thérapeutique. Personne n’a jamais songé
à appliquer le même traitement à l’angine hystérique qu’à
l’angine de poitrine vraie. »
L' angine de poitrine (sans épithète) procède d'une affec-
tion artérielle^ d'une sténose ou oblitération coronarienne ;
elle se termine presque toujours par la mort.
Les pseudo-angines sont des affections névralgiques des
plexus ou nerfs cardiaques. Elles se terminent presque tou-
jours par la guérison.
Dans le premier cas, la mort est la règle ; dans les se-
conds, elle est d’une exceptionnelle rareté, on ne saurait
%
jamais trop le répéter.
Il importait donc de tracer les symptômes distinctifs de
l’angine vraie (cette claudication douloureuse et intermit-
40
ï
tente du cœur, comme le dit M. Potain) et des pseudo- J-
angines. C’est ce qui légitime tous les détails dans les- I*
quels nous sommes entré. J’ajoute que j’ai vu dans le ser- p
vice de M. Huchard depuis trois ans un certain nombre •
d’angineux (quinze environ) et de pseudo-angineux (une v'
quarantaine). Or, jamais le diagnostic n’a été en défaut,
Mais il est de toute importance, pour faire ce diagnostic, •
de bien connaître les signes distinctifs des angines de poi-
trine et des pseudo-angines.
On peut observer l’un ou l’autre de ces deux syndromes
au cours delà même affection générale. Nous n’en voulons '
citer qu’un exemple ;
On sait que dans l’ataxie locomotrice, Vulpian^Landouzy, \
Berbez, Leyden, Grœdel, etc. (1), ont signalé l’angine coro-
narienne, ce qui s’explique par les lésions artérielles ffé- -
quentes dans l’ataxie locomotrice. Mais dans cette même , '
affection, les douleurs fulgurantes, lorsqu’elles se localisent
à la région précordiale, peuvent faire croire à des douleurs *■
angineuses qui n’existent pas, comme MM. Fournier et
Huchard en ont cité deux exemples remarquables (2).
(1) VüLPiAN, Revue de méd., 1883. — Landouzy, Progr. méd., 1883. —
Bekbez, Proÿ?’. 1887. — Leyden, ZeÜsch. f. Klinische med,, 1887. ^
— Grœdel, DeiUsch. med. Woch., 1888. -
(2) Fournier, Ataxie locomotrice d’origine syphilitique, Paris, 1882, ^
p. 69. — H. Huchard, Leçons sur les maladies du cœur et des vaisseaux,
1" édit., 1889, p. 408.
y
»
CHAPITRE IV
Douleurs spontanées (suite).
PRÉCORDIALGIES DANS LES RUPTURES DU CŒUR
Les ruptures du cœur qui se divisent en deux catégories :
ruptures myocardiques et ruptures valvulaires, constituent
une affection très rare puisque M. Barié, dans son remar-
quable mémoire de 1881 (1) ne trouve que 35 cas de rup-
tures valvulaires, et M. Robin, dans une très intéressante
leçon clinique (2) faite en 1884 sur ce sujet, ne mentionne
que 29 observations complètes de ruptures myocardiques.
I. — Ruptures myocardiques. — Les ruptures myocar-
diques, bien étudiées par Corvisart, Barlh, LePiez, Potain
et Robin, « constituent un des modes de terminaison de
la myocardite dont ta dégénérescence calcaire constitue le
»
premier aboutissant » (Robin). Elles surviennent chez des
gens âgés, cardio-scléreux.
Au point de vue clinique, M. Huchard en reconnaît trois
formes (3) :
1° Forme foudroyante. — Mort subite. Le malade ressent
une atroce douleur de la région précordiale, les battements
(1) E. Barié, Ruptures valvulaires du cœur. ileu. de méd., 1881 et
Revue gén. de Clin, el de Thérap., 1893, p. 396.
(2) A. Robin, Leçons de clinique et Ihérapeulique, Paris, 1887.
(3) Huchard, Extrait du second vol. du Traité des mal. du cœur (en
préparation), Paris, 1894.
— 48 —
du cœur s’arrêLenl, il suiïoque, et meurt en quelques se-
condes dans une syncope.
2° Forme progressive. — Le malade ressent une précor-
dialgie douloureuse et angoissante d’une grande intensité.
Les battements du cœur vont en diminuant, et la matité
précordiale va en augmentant. Le malade succombe au
bout de douze ou quinze heures, dans une syncope.
Forme j)rogressive avec rémission. — Dans ces cas la
rupture a été annoncée par des crises d’angine de poitrine
intenses. La mort peut ne survenir qu’au bout de plusieurs
jours.
La douleur ressemble tout à fait à celle de l’angor ; mais
ainsi que le fait observer M. Huchard, les malades sont
souvent des angineux. C’est un accès d’angine qui le plus
souvent annonce la rupture myocardique ; quelquefois
c’est un simple engourdissement du bras ainsi que M. Ro-
bin en cite un cas.
La douleur angineuse manque rarement, quoiqu’on en
ai dit ; elle ne paraît manquer que parce que les malades
n’ont pas eü le temps de l’exprimer. Elle est due à l’isché-
mie du myocarde produite d’abord par l’état des vaisseaux
coronariens, puis par la déperdition sanguine, enfin par la
compression du cœur.
Cette douleur est quelquefois constrictive et pongitive,
ou même perforante, comme si on perforait le thorax.
D’après Friedreich, les malades éprouvent au moment de
la rupture une douleur subite, comme si quelque chose se
rompait dans la poitrine ; ils trouvent encore cependant le
temps de pousser un cri.
— 49 —
Nous n’insisloMs pas sur ]es autres symptômes, clyspiice
et troubles divers, pour passer au diagnostic delà douleur.
Diagnostic. — 1“ Dans les cas de mort rapide ou subite,
il est rare que le diagnostic puisse être fait. Il faut songer
àTanginede poitrine, à la rupture d’un anévrisme delà
crosse, etc. ; et on sait qu’en somme la rupture dii cœur
est une affection rare.
Dans l’angine de poitrine symptomatique d’une rupture,
il y a des symptômes dyspnéiques et circulatoires qui
n’existent pas dans l’angine vraie sans rupture.
2° Lorsqu’il y a rémission (forme progressive) on peut
songer à la rupture d’un anévrisme des artères ou des vei-
nes coronaires, ce qui est un fait très rare ; le sang dans
l’un et l’autre cas s’épanche dans la cavité péricardique et
la mort survient par ischémie cardiaque et compression
du muscle. Le \liagnostic est impossible à faire entre ces
deux classes de faits.
Les Ruptures valvulaires ont été étudiées par Corvisart,
Barié, Potain, etc. La douleur est soudaine ; dans les cas
de ruptures spontanées aussi bien que dans les ruptures
traumatiques, mais la mort habituellement ne survient que
douze ou quinze jours après l’accident.
Cette douleur vive, angoissante, irradie quelquefois,
elle est, d’après Barié plus fréquente dans les ruptures
spontanées. Elle s’accompagne de dyspnée et de suffoca-
tion, les battements cardiaques deviennent violents, rapi-
des et arythmiques, avec un pouls misérable, en même
temps qu’apparaît un bruit de souffle d’insuffisance. Ce
bruit de souffle peut ne se révéler qu’au bout de quelques
ClIEVILLOT 4
— 50 —
jours. Il n’a pas les caractères ordinaires des souffles d’in-
SLiffisance. Il est plus grave et plus profond (Barié) ; il subit
diverses variations d’après les vibrations qu’éprouvent les
lambeaux de la valvule rompue en flottant dans le courant
sanguin.
Lesruplures valvulaires n’atteignent jamais qu’un cœur
profondément lésé, comme du reste les ruptures myocar-
diques.
Le pronostic est presque toujours fatal à brève échéan-
ce. On cite cependant quelques faits d’une survie assez
longue relativement.
Les signes de la rupture d’un cordage tendineux ou d’un
pilier du cœur sont à peu près les mêmes. Ces ruptures
(Corvisart, Polain, Barié, Le Piez^ etc.) ne surviennent
jamais que chez les myocardiques ; la douleur précordiale
est vive, soudaine, angoissante. La rupture d’un pilier
donne lieu à un thrill, à un frémissement vibratoire, dont
le malade peut quelquefois avoir conscience. L’asystolie
est de règle ; elle peut cependant ne survenir qu’au bout
de plusieurs jours et même plusieurs années (4 ans, Barié).
Quant aux ruptures de l’aorte, signalées par quelques
auteurs et bien étudiées dans un mémoire récent de
M. Martin-Dürr (1 ), elles n’otFrent rien de particulier au
point de vue de la précordialgie. La douleur n’est pas si-
gnalée dans la plupart des cas. Chauvel a observé un cas
avec douleur angoissante pré-sternale. Ces ruptures sur-
viennent dans l’athérôme de l’aorte, et quelquefois sans
cause appréciable. Le diagnostic précis semble impossible.
(1) Martin-Durr, Arch. gên< deméd., 1891.
Douleurs provoquées.
I. — Précordialc.ie de la péricardite.
La question de la douleur dans la péricardile a été vive-
ment discutée par les auteurs. D’après les anciens (Ronde-
let, Diversus, Senac, Corvisart), il fallait, pour diagnosti-
quer la péricardite, constater l’existence d’une douleur
vive, pongitive, dans le thorax, douleur irradiant vers Té-
pigastre. D’après Hope, elle est très fréquente, constante
d’après Hache, et suivant Gendrin la douleur à la pres-
sion est presque toujours pathognomonique.
Formulant uneopinion diamétralement opposée, Hughes
et Eulenberg (de Coblentz) ont déclaré que la douleur n’ap-
partient pas à la péricardite, mais à la pleurésie ou à la
pneumonie qui aurait toujours coexisté avec la péricardite
dans tous les cas où ils ont rencontré de la douleur.
Friedreicb refuse ce symptôme à la péricardite, Racle est
du même avis, et d’après cet auteur, lorsqu’on observe
cette affection dans son état de simplicité, on n’y rencontre
pas de douleur. Ce n’est que lorsqu’il y a pneumonie ou
pleurésie concomitantes, iiQvralgie propagée, en un mot,
lorsque l’inflammation s’étend aux parties environnantes
pourvues de nerfs sensitifs, parois thoraciques, médiastin,
nerf phrénique, que l’on trouve de la douleur.
Les opinions des autres auteurs sont moins absolues, et
peut-être plus justes dans leur éclectisme. Presque toussont
unanimes à reconnaître que la douleur manque souvent
dans la symptomatologie de la péricardite aiguë comme
souvent aussi ses autres signes physiques et fonctionnels.
C’est ce qui faisait dire à Stokes, et nous avons pu souvent
vérifier la vérité de son assertion, que la péricardite est une
des affections les plus fréquentes, qui passent le plus sou-
vent inaperçues. D’un autre côté on l’a observée un grand
nombre de fois en dehors de toute complication.
En ce qui concerne la fréquence des cas où on l’observe,
les avis diffèrent encore. D’après Louis on ne la constate-
rait que dans la moitié des cas, Hache l’aurait trouvée chez
tous les sujets, au moins au début. Sans parler des cas
étudiés avant Corvisart, à une époque où l’on distinguait
mal les affections du poumon de celles du péricarde, il faut
se souvenir que ce symptôme est essentiellement variable
chez les différents malades, suivant les circonstances. Tel
est du moins l’avis de tous ceux qui ont écrit depuis Bouil-
laud.
Wertheimer, dans sa thèse inaugurale sur ce sujet (I)
se range à peu près aux conclusions de ce dernier auteur :
il considère la douleur précordiale comme très inconstante
dans la péricardite, mais pouvant, quand elle existe, four-
nir de précieuses indications. D’après lui, les péricardites
le plus souvent douloureuses sont les péricardites franches
(1) Wertiieiuer, De la douleur dans la péricardite, Thèse inaug. Paris,
18.
H ft'
et rlumialismales : les péricardites secondaires sont pres-
que toujours indolentes. D’après Axenfeld et Bonneau, la
douleur est presque constante dans les péricardites primi-
tives, et plus rare dans les péricardites secondaires, mais
surtout dans celles d’origine rhumatismale en vertu de l’a-
phorisme hippocratique: « Diiobus doloribus simid obor-
tis, non in eoclem loco. vehementior obscur at alterum » ; ce
qui n’est pas toujours exact. Stokes résume les opinions
en disant que la douleur faille plus souvent défaut quand
la péricardite est compliquée d’une maladie essentielle ou
d’une affection locale. Enfin G. Sée, Dieulafoy et tous les
i auteurs modernes s’accordent adiré que la douleur peut
; manquer totalement ou passer inaperçue, et que le plus
souvent elle ne consiste que dans une sensation de gêne
précordiale, une douleur de distension (Huchard).
:! Il arrive cependant, comme nous allons le voir, que la
douleur revêt la forme angineuse comme dans la fameuse
observation de Mirabeau, dans celles d’Andral et de Peter.
j Si nous examinons maintenant les descriptions qui ont
. été données de la douleur dans la péricardite, nous pour-
rons constater qu’elle peut revêtir trois formes différentes
principales.
En général, la douleur précordiale de la péricardite ai-
guë consiste dans une sensation de gêne douloureuse, une
sensibilité sourde et profonde qui occupe l’épigastre et la
région cardiaque, et que la pression, la percussion et les
mouvements font passer à l’étal de douleur véritable (Be-
hier et Hardy). Elles s’accompagnent d’un sentiment de
consi l•iclioll cL do pesanteur de tonie la l’égion. A celle
gônoconlinne, s’ajoule parfois une sensation pins ou moins
pénible qui prédomine le long du nerf phrénique (G. Sée) ;
on lui trouve alors deux points maxima entre les altaclies
inférieures du sterno-masloïdienel sous le rebord des faus-
ses côtes, (point costo-xyplioïdien de Guéneau de Mussy).
La douleur épigastrique est toujours exagérée parla pres-
sion verticale de bas en haut sur le diaphragme, (on provo-
que ainsi une douleur aiguë que les malades rapportent à
la partie postérieure du sternum, signe que Mayne etStok
regardent comme caractéristique), par le refoulement des
léguments en haut (Potain) et quelquefois par l’injection
des aliments et des boissons (G. Sée).
Quelquefois elle est plus violente : elle devient lanci-
nante et pongitive comme la décrivait Corvisart : elle aug-
mente sous l’inQuence du moindre mouvement; le décu-
bilus sur le côté gauche, la percussion, les inspirations un
peu fortes, etc., suffisent pour la rendre intolérable. Elle
irradie alors vers le bras gauche, vers le mamelon, vers
l’épaule, l’épigastre, et même, d’après Rambaud (1), vers
l’angle de l’omoplate. Peter, qui a décrit ces variétés de
douleurs sous le nom de douleurs périphériques les attri-
bue à la névrite des nerfs intercostaux et du nerf phréni-
que.
★
¥ ¥
Péricardite a forme angineuse.
Enfin, mais dans un petit nombre de cas, on a pu obser-
ver une douleur extrêmement violente, angoissante, siir-
(I) R\Mii\cn, Gaz. mM.de Paris, 184S.
V
DO
venant par accès, accompagnée de refroidissement et de
lipothymies et ressemblant en tous points à la douleur de
l’angine de poitrine. C’est une douleur interne, déchiran-
te, qui se fait sentir en arrière de la partie muqueuse du
sternum. Les accès de constriction thoracique sont remar-
quables en ce qu’ils sont suivis, comme les accès d’angor,
d’engourdissement du bras et de l’épaule gauche, rempla-
cés dans quelques cas par une douleur vive et passagère.
D’après certains auteurs, cette précordialgie est si violente
que la mort peut survenir dans une syncope. Andral, qui
en a rapporté une observation devenue classique, avait fait
remarquer cette analogie avec l’angine de poitrine. C’est
la douleur de la péricardite à forme angineuse, douleur
que Peter a décrite sous le nom de douleur centrale.
Wertheimer établit ainsi la pathogénie de la douleur
dans la péricardite :
Ainsi que l’a montré Bouillaud, la douleur peut être due ;
1“ Aux complications ;
2° A la réaction de l’intlammation sur les nerfs du voisi-
nage.
Les nerfs en rapport avec le péricarde sont de deux
ordres: 1° les uns situés en dehors du feuillet fibreux de
la séreuse (phrénique et ramifications terminales des inter-
costaux) ; 2^ les autres recouverts par le feuillet viscéral,
(nerfs cardiaques).
De là, d’après Peter, deux sortes de douleurs :
1° Douleurs périphériques ;
2° Douleurs centrales.
I. — La douleur périphérique comprend deux subdivi-
sions :
— 50 —
a) Douleur localisée au pourtour de l’organe.
b) Douleur irradiée.
a) La douleur locale a son siège sous le mamelon, à la
région précordiale, à l’épigastre, quelquefois au coté gau-
che seulement de l’appendice xyphoïde.
/;) La douleur irradiée occupe ces points, et déplus,
quand elle irradie sur le phrénique, le cou, l’épaule et le
bras. Le plus souvent on ne trouve que deux points dou-
loureux : 1° point costo-xyphoïdien ; 2° point cervical. Elle
peut simuler la pleurésie diaphragmatique.
Cette douleur est d’un pronostic bénin. C’est un signe
utile au début de la maladie en ce qu’elle précède quelque-
fois de deux ou trois jours les signes physiques. La sensi-
bilité épigastrique et le point sterno-mastoïdien ont une
réelle valeur.
11. — Les douleurs centrales se caractérisent non seu-
lement par une excessive intensité, en tout semblable à
r angine de 'poitrine, mais encore par les troubles de la cir-
culation et de la respiration, et les phénomènes généraux
dont elles s’accompagnent.
Elles s’expliquent par une névrite cardiaque aiguë à la-
quelle participent également le pneumo-gastrique et le
grand symphatique.
Les douleurs périphériques n’aggravent pas le pronos-
tic : il n’en est pas de même des secondes qui, dans les
observations connues, ont toujours été liées à des cas
d’une gravité exceptionnelle (1).
(1) Obs. d’ANDRAL, Clin, méd., t. III; — Graves, t. II ; — Lkvet, Gaz.
méd., 1842, péricardites traumatiques.
Stokes qui rapporte aussi une observation de péricar-
dite (I forme angineuse suivie de mort, pensait que celte
douleur violente était due à l’inflammation du muscle car-
diaque. Gueneau de Mussy donne à peu près la même ex-
plication pallîogénique que M. Peter ; mais pour lui, la
douleur serait due à l’inflammation propagée aux filets
nerveux diaphragmatiques enchâssés dans le péricarde,
tandis que pour Peter, elle est due aussi, quand elle prend
la forme angineuse, à la participation du plexus cardiaque
et du pneumogastrique.
Sibson exprime la même opinion (1). « Les nerfs si im-
portants et si nombreux situés à la surface du cœur et des
gros vaisseaux, peuvent être englobés plus ou moins parle
travail inflammatoire. Or, on sait qu’une excitation élec-
trique du nerf vague amène le ralentissement des mouve-
ments cardiaqueë'; et même l’arrêt du cœur en diastole, et
la diminution de la tension artérielle, lorsque cette excita-
tion est très forte ; tandis que la section de ce nerf produit
l’accélération cardiaque et l’augmentation de la tension
artérielle. D’un autre côté, le ganglion cervical inférieur
du sympathique exerce une influence accélératrice sur le
cœur ; chez la grenouille, les cellules gangligineuses conte-
nues dans le cœur, sont l’origine de contractions automati-
ques de celui-ci. Enfin si l’on considère que la surface du
myocarde est richement pourvue de nerfs en connexion
avec le pneumogastrique, le sympathique et les ganglions
intrinsèques du cœur, et que ces nerfs doivent être affectés
par l’inflammation du péricarde, on en conclut que cette
affection doit jouer un rôle important, soit en stimulant,
(1) Sibson, Péricarditis, Reynold. System, ofmedicine, 1877.
soit en paralysant ces nerfs, de façon à accélérer ou ralen-
tir les mouvements du cœur, à exciter, et plus fréquem-
ment déprimer l’énergie contractile de cet organe, et
enfin à augmenter ou à diminuer la tension artérielle. Enfin
le D’’ Weber (1 ) admet la coexistence de l’angine de poi-
trine avec la péricardite. Il y a d’après lui, un processus
pathogénique analogue à celui de V anyor pectoris par sclé-
rose des coronaires ou par aortite. Mais le point de départ,
la cause de l’irritation du plexus nerveux, au lieu de se
trouver dans la paroi vasculaire elle-même, se trouve
agir de dehors en dedans sur les vaisseaux. On peut ob-
server aussi le syndrome angineux dans la péricardite
tuberculeuse. Mais c’est une affection rare.
Pour M. Huebard la forme angineuse semble apparte-
nir surtout à la péricardite purulente. D’après lui, la douleur
est uii symptôme très inconstant et très infidèle de la pé-
ricardite, et nous pouvons avec lui formuler les conclu-
sions suivantes (2).
1“ La douleur est rare ou très peu accusée dans les pé-
ricardites secondaires et en particulier dans la péricardite
sèche d’origine rhumatismale.
2° Dans les péricardites secondaires, l’existence et l’in-
tensité des douleurs sont, le plus souvent, sous la dépen-
dance des complications (pleurésie, pneumonie, pleurésie
diaphragmatique etc.).
(1) A Weber. 13e l’angine de poitrine symptomatique d’une affection
du cœur. Archiv. gén. deméd. 1893.
(2) Extrait du tome II du Traité clinique des maladies du cœur et des
vaisseaux. En préparation (Paris 1894).
3“ Dans les péricardites purulentes primitives la douleur
semble être la règle, elle affecte souvent la forme angi-
neuse.
*
¥ ¥
Symphyse du péricarde. — La douleur a été rarement
signalée dans cette aiïection : quand elle l’a été, c’est qu’elle
était survenue par suite de la compression des nerfs phré-
niques (Tlîuvien). Ces accidents, reconnaissables au point
sterno-claviculaire et au bouton diaphragmatique, pour-
raient parfois faire songer à des symptômes d’angor ; mais
il ne faut pas confondre (Iluchard) ces douleurs pseudo-
angineuses qui ne tuent jamais, avec la véritable angine de
poitrine qui peut être l’effet de la symphyse du péricarde,
par suite de la coüipression que les exsudais (ibro-mem-
braneux exercent sur les artères coronaires.
H-
4'
■|
il
CHAPITRE VI
Douleurs provoquées (suite).
Précordialgies dans les maladies du cœur
Toutes les affections dans lesquelles nous avons jusqu’à
présent rencontré le symptôme douleur ne sont pas, à dire
vrai, des affections du cœur ; au moins quand nous l’avons
trouvé en concomittance ne pouvait-il pas être rattaché à
ces affections.
Les maladies du oœur en effet ne sont pas douloureuses
en elles-mêmes ; quand la douleur coexiste, elle reconnaît
une origine artérielle ou nerveuse. Cependant beaucoup
d’auteurs ont admis la douleur dans un certain nombre d’af-
fections organiques.
Au sujet de l’endocardite aiguë, les opinions concordent.
D’après Bouillaud à qui l’on doit la première description
de l’endocardite aiguë ;
« Des quatre symptômes généraux que les pathologistes
ont assignés à l’inflammation, trois, savoir : la chaleur, la
rougeur et la tuméfaction se dérobent complètement à no-
tre exploration et le quatrième, la douleur, manque dans
l’immense majorité des cas. Dans ceux où cette douleur
existe, elle ne dépend point directement de l’endocardite
mais bien de lacomplication de cette maladie avec une phleg-
— 02 —
.Il
in
masie de la plèvre el du péricarde ». Il existe seulement M
d’après lui, un malaise profond, une gêne précordiale et .'a
de la dyspnée. •*1
D’aprcjj Peter il n’y a pas de symptômes de l’endocar- I
dite ; un seul signe la révèle, le souflle. C’est du reste l’a- J
vis de tous les auteurs et l’on peut dire que Vendocardile . I
n est pas douloureuse. :V,j
De même l’hypertrophie simple du cœur ne s’accompa- I
gne le plus souvent que de gêne, d’une sensation de poids I
à la région précordiale el de palpitations incommodes.
Les affections valvulaires sont également indolentes : J
« Une des grandes vérités théoriques, dit Stokes, que
l’on doit au génie de Laënnec, c’est que l’affection valvu- ^
laire, indépendante de toute altération organique ou fonc-
tionnelle du muscle cardiaque, ne se reconnaît souvent que
par l’examen physique et reste latente.
Il est parfaitement établi, sur des observations nombreu- ^ =
ses que le cœur a pu dégénérer lentement, provoquer des •
troubles fonctionnels secondaires énormes sans que le cri r
de l’organe malade vint faire soupçonner le premier cou- V
pable de ces désordres (Bonneau). ^
y
*
Quant à la myocardite, un certain nombre d’auteurs ont
mentionné la douleur ; sans parler d’Hamernyk,de Prague,
qui décrit la douleur angineuse, Bernheim (1) pense qu’elle
est plus fréquente que dans l’endocardite ou la péricardite.
D’après M. Peter (2), à côté de la douleur angineuse de la
(1) Beunheim, Thèse, Strasbourg, 1866.
(2) M. Peter, Traité des ^naladies du cœur, 1883.
1
. ' l'a.
myocardite, il y a une douleur provoquée, nettement ex-
pressive. On la détermine en pressant la région précordiale
du bout du doigt, eu plein cœur, c’est-à-dire en déprimant
assez fortement etSLiccessivement les troisième, quatrième,
cinquième et même sixième espaces intercostaux gauches
au voisinage du sternum, et en s’éloignant de plus en plus
de cet os à mesure que l’on presse plus bas. Jamais, au
cas de myocardite, on ne manque de provoquer alors une
assez vive douleur. Le maximum de la douleur est aux
quatrième et cinquième espaces (quelquefois au sixième,
en cas d’hypertrophie), c’est-à-dire au niveau des ventri-
cules ; or, ce sont eux en effet que l’inflammation frappe
de préférence aux oreillettes. Dans quelques cas, on ne pro-
voque la douleur à la pression qu’au cinquième espace in-
tercostal gauche (ou au sixième en cas d’hypertrophie),
c’est-à-dire au niveau de la pointe même du cœur, si sou-
vent atteinte de myocardite granulo-graisseuse ou dégé-
nérante La douleur provoquée par cette pression est
assez vive pour que le malade s’y dérobe par un mouve-
ment de recul, pour que quelquefois il s’en plaigne assez
fortement, pour que même il pousse alors un léger cri.
M. Peter insiste encore sur ce fait dans le dernier volu-
me de ses Clinigues médicales k d’un cas de myo-
cardite rhumatismale.
Chez tous les malades qui ont été soumis à notre obser-
vation nous avons toujours cherché cette douleur que dé-
crit M. Peter. M. Huchard, notre maître, a souvent attiré
notre attention sur ce fait. Nous n’avons jamais, dans la
MYOCARDITE, RENCONTRÉ DE DOULEUR A LA PRESSION^ PROPRE
A CETTE MALADIE.
Nous avons cependant toujours exploré avec le plus
grand soin la région précordiale des nombreux malades de
riiôpital Bichat. A chaque fois que nous avons trouvé des
points douloureux 1 ils se rattachaient indubitablement à
un état névralgique ou névropathique. Mais la plupart du
temps, dans les myocardites les plus évidentes, les mieux
diagnostiquées, nous n’avons trouvé aucun point doulou-
reux dans la région du cœur,
« Les points douloureux sont très rares, dans la myocar-
dite, si même ils existent, ditM. Huchard (1), et ils n’ap-
partiennent pas au cœur devenu douloureux ; l’arythmie
cardiaque fait souvent défaut et la symptomatologie trop
bruyante attribuée par les anciens auteurs aux affections
du myocarde, d’après certaines vues théoriques, est con-
traire à la vérité.»
Au début de la cardio-sclérose, les malades ont d’assez
fréquentes palpitations, et celles-ci ont souvent pour ca-
ractère d’être douloureuses, angoissantes et souvent noc-
turnes. D’autres fois elles sont simplement subjectives et
on voit des malades venir s’en plaindre alors qu’on ne
constate aucune augmentation de l’impulsion et des batte-
ments cardiaques.
Souvent ces phénomènes existent dans le cours des af-
fections valvulaires. Mais ou ne peut les ranger que dans
les symptômes méiopragiques, non dans les symptômes
douloureux.
Ou peut observer encore dans la myocardite chronique
une forme à' arythmie angoissante paroxystique^ qui sem-
(1) Huciiarü, La cardio-sclérose, Revue de médecine, 1892.
— 65 —
ble en rapport avec les accès de spasmes des artères coro-
naires au début de la maladie (Ilucbard) ; cette arythmie
s’accompagne d’une légère sensation d’angoisse précor-
diale.
La sensibilité à la pression de la région du cœur se trou-
ve chez les anémiques, chez les chlorotiques (Râcle attri-
buait à la chlorose toutes les douleurs précordiales, ou
peu s’en faut), et chez les femmes nerveuses. On la rencon-
tre encore dans les cas de péricardite sèche, et Ton peut
observer chez les malTides atteints de mal angineux une
légère hypéresthésie cutanée. En dehors de ces cas, le
cœur artério-scléreux n’est pas douloureux à la pression.
Lorsque les douleurs existent, elles prennent le caractère
angineux et ne sont pas provoquées par la pression, mais
par la marche. ' ^
Nous insistons beaucoup sur ces faits cliniques parce
qu’ils ont une haute importance au point de vue thérapeu-
tique. Le diagnostic permet de formuler une contre indica-
tion aux révulsifs dans la myocardite : « Les vésicatoires,
capables de calmer la douleur et d’anémier les parties sous-
jacentes ne sont pas indiqués dans une maladie où le prin-
cipal danger réside dans l’ischémie du myocarde (1) ».
Nous pouvons dire en un mot, que les cardiopathies val-
vulaires ne sont pas douloureuses. Elles ne peuvent l’être
que par distension douloureuse. Les cardiopathies artériel-
les le sont souvent-^ elles peuvent l’être parce que la dou-
leur procède de l’artérite des coronaires.
(i) Huchard, Trailemenl et curahüilé des cardiopathies artérielles. (Bull,
de thérap., 1 892).
ClIEVILLOT 5
— 60 —
11 est un fait à signaler, en effet, c’est que les artérites
sontdesmaladies essentiellement douloureuses. INothnagel
qui tout dernièrement a parlé des douleurs vasculaires
n’a fait que rééditer ce qui est bien connu en France (1).
Si l’on veut une preuve de ce fait que les artérites sont
douloureuses, ou n’a qu’à songer à l’intensité des douleurs
delà gangrène sénile, de l’asphyxie des extrémités et de
celles qui accompagnent la compression des anévrysmes,
comme l’a fait observer Le Fort (2) ;
« Quant à l’intensité des douleurs ressenties au moment
de l’attaque angineuse, elle n’a rien d’étrange pour les
chirurgiens qui ont pratiqué la compression digitale sur
les anévrysmes; tous savent qu’à un certain moment,
quand l’ischémie devient complète par la formation d’un
coagulum, le malade accuse dans tout le membre des dou-
leurs atroces tout à fait comparables sauf pour le siège,
à celles de l’angine de poitrine ».
A. Weber insiste sur ce qu’il appelle « douleurs péri-
phériques rhiimaloïdes (3) », véritables crises de crampes
douloureuses, de courte durée, mais se renouvelant fré-
quemment, et constituant ainsi de véritables attaques. Ces
douleurs s’observent au début et dans le cours de l’artério-
sclérose et sont dues à l’artérite.
Les anévrysmes, par eux-mêmes ne sont pas douloureux.
Ils peuvent le devenir par la compression qu’ils exercent
(1) Nothnagel, Zeilschr. fiir Klin, med., Bd. 19, lift. 3.
(2) Le Fort, Ac. de médecine, 1893.
(3) A. Weber, De l’angine de poitrine et de l’artério-sclérose. Arc/i. de
médecine,
sur les parties voisines qui se trouvent ainsi ischémiées.
L’angine de poitrine s’observe très fréquemment dans les
anévrysmes du cœur, modalité anatomique qui précède
souvent la rupture de cet organe (Weber), Les anévrysmes
de la crosse de l’aorte peuvent causer des douleurs en com-
primant les nerfs de la région.
Enfin les tumeurs du cœur sont indolentes. Ni le carci-
nome, ni la tuberculose, ni la syphilis du cœur, pour ne
parler que des plus fréquentes, ne donnent lieu à des symp-
tômes douloureux. On a seulementnoté souvent la coïnci-
dence de la syphilis et de l’angine de poitrine. On sait du
reste que la syphilis est rangée parmi les causes fréquentes
de Partério-sclérose.
CHAPITRE VII
Précordialgies provoquées par la pression.
NÉVRALGIE ET PLEURÉSIE I3IAP11RAGMATIQÜES GAUCHES
Cette troisième catégorie de précordialgies comprend
les affections nerveuses, dans lesquelles la douleur peut
exister sans qu’il soit besoin de la provoquer, mais dans
lesquelles elle se réveille et s’exagère toujours par la pres-
sion du doigt. Nous consacrons à la névralgie diaphragma-
tique une étude un peu fllus longue qu’aux autres névro-
ses, parce qu’elle nous a semblé plus Importante et d’un
diagnostic souvent plus délicat.
La névralgie du nerf phrénique, signalée par Bouillaud
qui la considère comme la cause de la précordialgie dans
la péricardite, a été complètement étudiée par Guéneau de
Mussy, Huchard, Peter et Hermil dans sa thèse inaugu-
rale.
Guéneau de Mussy (1) a reconnu que la pleurésie dia-
phragmatique emprunte ses principaux traits à la douleur
du nerf phrénique, et Peter (2) a démontré que c’est à la
névralgie diaphragmatique qu’il faut attribuer la douleur,
souvent intense, de la pleurésie diaphragmatique. On peut
donc réunir dans une même élude la pleurésie et la névral-
gie diaphragmatiques. Pour nous conformer au but deno-
(1) Guéneau de Mussy, Clin. miki.
(2) M. Peter, Névralgie diaphragnuUû/uc .
— 70 —
tre travail nous n étudierons ces affections que lorsqu’el-
les siègent du côté gauche.
Cette douleur qui, dans la pleurésie, apparaît en même
temps que les frissons, occupe la région de l’hypocondre
gauche avec irradiations vers le creux épigastrique, quel-
quefois vers la partie inférieure de la région dorsale, en
suivant la ligne des insertions costales diaphragmatiques,
et aussi, rarement, le long du hord externe du sternum
et jusque dans le moignon de l’épaule (1).
Cette douleur est très vive, s’exaspère par le moindre
mouvement, par la toux et par le hoquet qui font partie du
cortège symptomatique de la pleurésie diaphragmatique,
et surtout par la pression. Guéneau de Mussy,qui a recher-
ché avec le plus grand soin les points douloureux, a déter-
miné avec précision le point où la douleur à la pression
atteint son maximum. Ce point, connu sous le nom de
« hoiiton diaphragmatique de Guéneau deMussy », est situé ’
à un ou deux travers de doigt de la ligne blanche à la hau- ■
teur de la dixième côte, ou assez exactement à l’intersec-
tion de deux lignes dont l’une continuerait la partie os-
seuse de la dixième côte, et dont l’autre prolongerait le i
bord externe du sternum (2).
Cet auteur a étudié avec la même exactitude la névralgie
phrénique qui accompagne toujours, d’après lui, la névral-
gie diaphragmatique. — On provoque nettement la dou- ï.
leur du phrénique en portant le bout de l’index entre les
deux faisceaux du sterno-cléïdo-mastoïdien, de façon à
comprimer le nerf entre le doigt et le muscle scalène anté-
(1) UmmL, Pleurésie diaphragmatique, thèse, Vans, 1879 ;>
(2) Guéneau de Mussv, Archives de médecine^ 1853. t.
f
71
rieur. La douleur esl vive, irradie le long du bord externe
du sternum et s’étend jusqu’à la base de la poitrine qu’il
immobilise aussitôt (Mermil).
Le diaphragme est aussi le siège d’une vive douleur que
l’on peut provoquer eu refoulant les viscères par une pres-
sion sur les hypocondres.
La douleur, comme on le voit, a été étudiée avec le plus
grand soin, car elle est typique, et ne permet pas la con-
fusion. On peut, avec llermil, diviser les douleurs en trois
classes.
lo Douleurs résidant dans les filets terminaux du nerf
phrénique, qui peuvent être spontanées ou provoquées.
2“ Douleurs résidant dan^ le tronc du nerf phrénique,
rarement spontanées, mais pouvant être provoquées par
la toux. Le malade alors, dit Peter, fait cesser exactement
l’anatomie de son phrénique.
3“ Douleurs par propagation : douleurs d’irradiation et
douleurs réflexes. On les observe dans le flanc, dans la
fosse iliaque, et surtout dans la région sus-claviculaire du
côté affecté.
En résumé, ce ne sont que douleurs névralgiques, qi^il
s’agisse seulement de névralgie ou de pleurésie diaphrag-
matiques. Peter a démontré qu’il y avait aussi névrite du
phrénique, et cette dernière lésion peut persister après la
guérison de la névralgie. Mais il ne faut pas oublier que la
névralgie diaphragmatique peut être primitive.
D’après M. Huchard (1), elle est caractérisée par des
symptômes douloureux et des troubles fonctionnels.
(1) II. Hüchabd, Leçon sur la pleurésie diaphragmatique, Gaz. méd. de
Paris, 1892.
— 72 —
A. — Sj/mplômes douloureux. Les douleurs sont sponta-
nées ou provoquées comme dans toutes les névralgies. Les
malades accusent une sensation de souffrance au bas de la
poitrine, dans l’épaule, au cou, parfois aussi à la nuque et
à la mâchoire.
11 y a quatre points douloureux principaux :
1° Point cervical à la partie latérale du cou, en dehors
du chef interne du sterno-mastoïdien.
2° Point sternal, au niveau du deuxième ou du troisième
espace inlercostal.
3“ Points costaux, aux insertions du diaphragme surtout
à la neuvième côte.
4“ Points apophysaires (2°, 3“, 4® et 5® vertèbres cervi-
cales, surtout 3° et 4°).
Les malades se plaignent beaucoup plus de la douleur
diaphragmatique antérieure que de la douleur rétro-ster-
nale (Peter).
Douleurs d’irradiation par ordre de fréquence ;
1 ° Plexus cervical ;
Douleur des nerfs sus-claviculaires ;
Douleur de la région latérale du cou ;
Douleur de la mâchoire inférieure ;
Gêne dans la mastication.
2“ Plexus brachial ;
Douleur de l’épaule (nerf circonflexe) ;
Douleur de la partie interne du bras (accessoire du bra-
chial cutané interne) ;
Douleur du coude et du petit doigt (cubital).
D. — Les troubles fonctionnels intéressent la respiration
73 —
(pénible à cause de la douleur entravée par le hoquet), la
inaslicalion, gênée et douloureuse, la locomotion du bras
gauche et quelquefois la circulation.
Diagnostic. — D’après M. Dieulafoy (1 ) quiconsidèrelVm-
(jor comme une névralgie cardiaque, le diagnostic doit être
fait avec cette dernière affection.
La névralgie du nerf phrénique, primitive ou consécu-
tive à une pleurésie diaphragmatique, à une péricardite
aigue, se traduit par un ensemble de symptômes (siège de
la douleur, dyspnée, hoquet), qui permet de la distinguer
de la névralgie cardiaque. Mais cette névralgie du nerf
phrénique est quelquefois associée directement (névrite),
ou indirectement (irradiation réflexe), à la névralgie du
plexus cardiaque, et il y a dans ce cas-là une association
de douleurs qui portent à la fois sur l’innervation de la
circulation parle plexus ôardiaque et sur l’innervation de
la respiration par le nerf phrénique.
(1) Dieülafoy, Pathologie interne, t. 1, p. 394.
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CHAPITRE VIII
s
Douleurs provoquées (suite et fin).
Nous étudierons maintenant, très brièvement toutes les
atîections organiques ou névralgiques qui peuvent donner
lieu à une douleur de la région précordiale, dont le dia-
gnostic est relativement facile, et qui ne peuvent faire
naître l’idée d’une affection du cœur que dans l’esprit du
malade. Nous nous plaçons toujours au point de vue du
diagnostic avec la douleur des affections du cœur et des
vaisseaux.
I. — Névralgie intercostale.
La névralgie intercostale, qui, sans discussion est l’une
des plus fréquentes, a son siège dans les filets des nerfs
thoraciques. Les nerfs intercostaux, au nombre de douze,
ont chacun deux branches, rune postérieure^ se ramifiant
dans les muscles de la gouttière vertébrale, l’autre anté-
rieure, sous-pleurale et sous-musculaire.
La douleur, la névralgie intercostale, siège ordinai-
rement dans les cinquième, sixième et septième espaces
intercostaux. Elle est beaucoup plus fréquente à gauche, et
souvent occupe les deux côtés de la poitrine.
On peut diviser les douleurs de la névralgie dorso-
76 —
intercostale en deux variétés : spontanée et provoquée.
La douleur spontanée manque souvent. Ln somme on peut
dire que la névralgie intercostale est révélée parla douleur
à la pression aux points d’émergence des nerfs, mais qu’il
peut, dans certains cas aigus, persister une douleur conti-
nue qui s’exagère à la pression ou aux mouvements (sur-
tout mouvements de latéralité). Ce sont alors des douleurs
en ceinture qui s’accompagnent de malaise général avec
accélération du pouls. Rombergacilé des cas dans lesquels
la compression amenait la sédation des douleurs.
C’est la pression qui fait découvrir les trois points dou-
loureux de la névralgie intercostale, points qui peuvent
cependant faire défaut et qui sont, par orde de fréquence :
1° hQ point vertébral au niveau de la sortie du nerf du
trou de conjugaison.
2° Le i^oint antérieur, ou sternal, ou épigastrique, sur
les cartilages costaux, près du sternum.
3° Le point latéral au milieu de l’espace intercostal. On
peut en pressant l’im de ces points provoquer un retentis-
sement douloureux sur tout le trajet du nerf.
Desnos a signalé quelques autres points (épigastrique,
xyphoïdien, cardiaque) beaucoup plus rares. Ce qu’il im-
porte de mentionner, c’est que plusieurs points doulou-
reux peuvent manquer, mais que l’on provoque toujours
une douleur à la pression.
La névralgie intercostale n’est pas isolée ordinairement :
elle coïncide soit avec la névralgie phrénique, soit avec la
névralgie des nerfs du plexus lombo-abdominal. Elle peut
irradier vers le bras. D’après Piorry elle donnerait lieu à
de la splénomégalie. Elle alterne très souvent avec d’autres
— 77 —
W
névralgies. Elle s’observe souvent dans la phthisie pulmo-
d, naire et dans la période prodromique du zona.
' C’est à la névrite des intercostaux qu’il faudrait, d’après
Beau, rattacher la douleur de la pneumonie et de la pleu-
résie. La névralgie intercostale dont on peut reconnaître
au point de vue de l’étiologie, trois formes différentes :
idiopathique, symptomatique et sympathique, est fré-
■ quente dans les affections de l’estomac (forme sympathi-
i que), et dans les affections de l’utérus.
Elle peut se confondre avec le rhumatisme intercostal ou
J ' pleurodynie (Valleix). On a d’ailleurs trouvé de nomhreu-
■ ses variétés dans les divers états nerveux (myosalgie ou
\ myodomie de l’hystérie), et avec l’angine de poitrine, dont
i nous avons indiqué les différences.
Le pronostic est toujours bénin.
I
f Nous devons mentionner aussi la mastodynie ou névral-
^ gie mammaire qui se manifeste par des douleurs lancinan-
tes qui traversent le sein (sein douloureux des névropa-
1 thés), et qui peuvent irradier vers l’aisselle.
i
j II. — Pleurodynie.
\
f . Dans la pleurodynie ou rhumatisme intercostal il existe
. . une douleur interrnitente et aiguë au-dessous et en dehors
du mamelon. C’est une douleur d’endolorissement qui
augmente à la pression, et qui est toujours très superfi-
cielle.
D’après Valleix (1) elle se confond avec la névralgie in-
(1) Valleix, Traité des nêvralrjies.
— 78
lercoslale, el a pour caraclcre de s’exagérer au moment
des changements de position du malade. Elle n’a du reste
pas d’autre traitement que celui des névralgies en général.
Chez les anémiques et les chlorotiques et surtout chez
les nerveux, on observe une sensibilité anormale de la pa-
roi précordiale ainsi que des palpitations douloureuses ; la
paroi est sensible en dehors et en dedans : la pointe du
- cœur en frappant contre une paroi hyperesthésiée déter-
mine la production de ces palpitations douloureuses qui
sont purement subjectives et que le médecin ne reconnaît
pas. C’est là une forme fréquente de speudo-palpitations.
Nous ne parlons pas de celles qui peuvent précéder ou ac-
compagner une affection cardiaque. Nous possédons à ce
sujet une intéressante observation que nous ne pouvons
malheureusement publier.
III. — Pneumonie et pleurésie.
Le point de côté de la pneumonie a été observé de tout
temps, depuis Hippocrate lui-même. 11 est dû, d’après Pe-
ter, à l’irritation phlogistique de l’organe à son enveloppe
ce qui fait que l’on peut le constater loin du point atteint,
puisqu’il existe au-dessous du mamelon même dans les
pneumonies du sommet. Ce n’est ni le poumon, ni la plè-
vre qui souffrent dans ce cas, ce sont les nerfs intercos-
taux. Mais ce point douloureux se trouve rarement dans
la région précordiale proprement dite. 11 est donc rare
que la douleur de la pneumonie puisse appartenir à la des-
cription des précordialgies.
C’est vers la fin du premier jour, ou au commencement
du second qu’appariiissenl la douleur, la loux et la dysp-
née. La douleur se révèle sous la forme d’un point de côté
qui siège le plus souvent au-dessous du mamelon et qui
est exaspéré par les expirations saccadées de la loux.
La douleur de la pleurésie, d’après Beau comme celle
de la pleurésie est une névropathie intercostale résultant
d’une névrite, Piorry et Bouillaud les attribuent à une né-
vralgie intercostale. M. Peter, comme ces auteurs, admet la
névropathie intercostale cause de la douleur pleurétique,
que l’on retrouve aussi bien dans la pneumonie que dans
la pleurésie.
Cette douleur et celle de lapleurésie,qui lui ressemble en
louspoints peuvent être étudiées ensemble. Peler attire l’at-
tention sur ce fait querintlammalion propagée à toutes les
grandes séreuses est redoutable (méningite, péricardite,
péritonite) et qu’il faut faire exception pour la plèvre, par
ce qu’elle est isolée des plexus pulmonaires que l’incen-
die pleurétique ne saurait atteindre. » Ce n’est donc pas
sur la nature et l’intensité du point de côté qu’il faut baser
le pronostic de la pneumonie ou de la pleurésie, pas plus
qu’il ne faudrait y fonderie diagnostic, mais sur les signes
fournis par la température, l’auscultation et l’expectora-
tion. La douleur ne dure pas plus de trois ou quatre jours.
Nous n’y insistons pas davantage, l’ayant déjà étudiée en
gramïe partie dans le chapitre de la pleurésie diaphragma-
tique.
IV. — Phtisie, pneumothorax, affections
des poumons, etc.
La douleur peut exister dans la phtisie pulmonaire :
elle se fait surtout sentir entre les deux épaules. Mais
1
— 80 —
on |)Ciil observer d’antres points douloureux ; c’est sur-
tout dans les trois |)remiers espaces intercostaux que se
manifeste celte douleur, et l’on y observe aussi fréquem-
ment de la névralgie phrénique.
Le pneimolhorax ^ s’annonce la plupart du temps par
une douleur subite, très intense, mais qui ne dure que
quelques secondes. Cette douleur peut faire défaut. Les
autres affections du poumon sont indolentes.
On peut cependant observer dans X œdème aigu du pou-
mon^ non une douleur, non une dyspnée, mais une an-
goisse respiratoire extrême que l’on ne doit confondre, ni
avec une précordialgie, ni avec la dyspnée, ni avec l’an-
goisse cardiaque de l’angine de poitrine.
Enfin il ne faut pas oublier que les névralgies ne sont
pas toujours périphériques, mais qu’elles peuvent devenir
centrales, de même qu’elles peuvent être primitivement
centrales, et c’est souvent le diagnostic de cqs edgies cen-
trales dont nous avons déjà parlé, qui est le plus difficile à
faire.
V. — Affections de l’estomac et du foie.
La cardialgie ou névralgie de l’estomac, vulgairement
appelée crampe d'estomac (1) ne doit pas se confondre avec
la gastralgie. C’est une affection dontle diagnostic doit être
fait avec les coliques hépatiques quand elle irradie du côté
droit, et qui peut se manifester sous la forme d’une pré-
cordialgie quand elle irradie du côté gauche. Stokes avait
(1) Gueneau DK Müssy. Clin. Mêd. T. I.
81
donc raison de dire que l’on pouvait coufondre les dou-
leurs gastriques avec les douleurs del’angor, et surtout de
la péricardite à forme angineuse.
D’après Guéneaude Mussy, la cardialgie est caractérisée
par une douleur soudaine, revenant par accès plus ou
moins rapprochés ; elle peut être pongitive et surtout an-
(joïasante.
D’après Romberg le siège en est dans le plexus solaire.
Elle survient surtout chez les névropathes, et chez les
arthritiques.
Comme nous l’avons dit, les trqubles d’origine gastro-
intestinale peuvent donner lieu à des précordialgies pseudo-
angineuses.
Enfin les coliques hépatiques peuvent donner lieu à des
accidents cardialgiques (Potain) ; elles peuvent, comme la
cardialgie, donner lieu à des irradiations douloureuses du
côté delà région cardiaque et à des précordialgies pseudo-
angineuses, ainsi que nous en rapportons un exemple.
VI. — Zona.
Le zona se manifeste par des douleurs qui surviennent
sur le trajet du nerf atteint, ou même par des douleurs
diffuses, consécutivement, d’ordinaire à un malaise géné-
ral parfois appréciable. Le zona est surtout douloureux
(Peter) chez les rhumatisants et les dartreux. 11 y a lésion
des ganglions intervertébraux et des nerfs qui en émanent.
L’éruption , qui permet facilement le diagnostic, suit le tra-
jet des nerfs douloureux et les vésicules abondent au ni-
CllEVILLOT
G
veau des points sensibles. Les douleurs persistent souvent
après la disparition des vésicules.
Nous devons signaler ici le fait très intéressant d’un
zona d'origme aortique et qui peut se résumer de la façon
suivante (1 ) :
Chez une malade atteinte d’insuffisance avec dilatation
aortique et accès d’angine de poitrine coronarienne, l’en-
do-aortite produit de la peri-aortite, et cette dernière,
par une propagation inflammatoire, produit de la névrite
du plexus cardiaque et du phrénique, d’où les douleurs
pseudo-angineuses permanentes et spontanées l’on ob-
serve chez elle. La péricardite de la base s^’étend et devient
intense ; de proche en proche la névrite gagne les filets du
plexus cervical superficiel, avec lequel les nerfs phréniques
sont en connexion, et, à la faveur de celte phlegmasie,
peut-être aussi de causes infectieuses, on voit évoluer une
névrite, c’est-à-dire, un zona du plexus cervical superficiel.
VII. — Traumatismes de la poitrine.
Les traumatismes de la poitrine, (contusions, enfonce-
ments ou fractures de côtes), de même que les lésions chi-
rurgicales (ostéites etc,) des côtes peuvent donner lieu à
des douleurs, dont le diagnostic sera généralement facile à
établir par l’interrogatoire et l’examen du malade.
L’examen local, la présence de la crépitation indique-
ront la nature de l’affection, comme dans le cas que cite
M. Peler, où les renseignements donnés étaient contradic^
toires.
(1) llüciiAUD, Mal. du cœur et des vaisseaux, ire édil.
83 —
Les contusions de la poitrine (Gosselin, l'eter), peuvent
donner lieu à des douleurs qui persistent longtemps, et
peuvent faire croire à de l’ostéite (mais il n’y a pas de
gonlleraent de l’os) et qui sont dues à une névrite intercos-
tale consécutive.
Indications thérapeutiques.
« On ne soigne pas les maladies, on soigne des mala-
des, il n’y a pas de maladies locales, mais des maladies
localisées » (1) ; c’est à la fois de la notion du malade et de
la maladie que devront être déduites les applications thé-
rapeutiques.
Les précordialgies,nous avons essayé de le montrer, sont
dues aux causes les plus diverses, c’est à cette cause que
devront s’adresser les médications que nous tenons à résu-
mer à grands traits.
L'angine de poit7'ine coronarienne^ maladie d’origine ar-
térielle sera justiciable d’un traitement artériel. 11 y a trois
indications principales à remplir :
1° Combattrel’hypertension parle traitement hygiénique
et médicamenteux.
2® Combattre le développement de l’artério-sclérose.
3° Faciliter le travail du cœur en s’adressant aux vais-
seaux.
Le traitement hygiénique consistera en une vie calme,
exempte d’émotions, de fatigues, etc; on évitera la marche
(1) Hüchard, Le Traitement de Vangine de poitrine. Gaz. des Hop., 22
et 24 septembre 1892,
— 84
prolongée, la moulée des escaliers, le vent, le bord de la
mer ; on combaltera la constipalion, et l’on se livrera à un
exercice modéré (courtes promenades à pied, massage,
frictions, contractions passives des muscles). M. Iluchard
insiste sur le régime végétarien, l’abstinence de tabac et
d’alcool.
h'aortite pourra être combattue par l’emploi des révul-
sifs (cautères, vésicatoires, pointes de feu, teinture d’iode)
sur la région précordiale ; quant aux effets de la lésion des
coronaires, la thérapeutique possède contre eux deux mé-
dicaments, les iodures et les nitrites.
Les iodures, qui abaissent la tension artérielle pourront
être prescrits de la façon suivante :
1® Eau distillée 300 grammes.
lodure de sodium 10 à 20 —
Extrait thébaïque 10 centigr.
Deux à trois cuillerées à soupe par jour.
2“ Eau distillée
lodure de sodium o à
Arséniate de soude
Deux à trois cuillerées à café par jour.
loO grammes.
10 — '
5 centigr.
(Huchard)
Au moment des accès, les inhalations de nitrite d’amyle
(trois ou quatre gouttes sur un mouchoir) la trinitrine à
l’intérieur d’après la formule :
Eau distillée lOO grammes.
Solutionalcooliquede trinitrineau 100' L gouttes.
Deux à quatre cuillerées à soupe par jour, ou encore en
injections hypodermiques ; le nitrite de sodium (Maltliew
Hay, d’Edimbourg)^ sera employé avec succès.
L’opium et surtout l’électricité, la cocaïne, les bromures
— 85 —
et tous les antinévralgiques ne sont pas indiqués; ils n’ont
pas d’action, peuvent être dangereux et ne réussissent que
dans les précordialgies pseudo-angineuses d’origine né-
vrosique. »
Il en est de même- des émissions sanguines, et des mé-
dicaments cardiaques qui ne sont pas indiqués.
Les précordialgies pseudo-angineuses seront combat-
tues suivant l’indication fournie par leur pathogénie :
1° Pseudo-anfjine spasmo-labafiique, supprimer le tabac,
combattre la dyspepsie nicotinique
2“ Pseudo-angine névralgique , médication anti-nerveu-
se, anti-névralgique ou névritique, stypage, pulvérisations
de chlorure de méthyle, etc.
3° Pseudo-angine réflexe, médication anti-dyspeptique,
antisepsie intestinale, et quelquefois lavage stomacal.
Nous n’insisterons pas sur le traitement des précor-
dialgies dues à une affection du cœur ou des poumons (pé-
ricardite, pneumonie, pleurésie). Nous avons montré que
ces douleurs provenaient d’une névralgie par compression
ou par propagation.
Contre l’élément névralgique en général les moyens sont
variés : Opium, antipyrine, cocaïne, chloral, paraldéhyde,
sulfonal, uréthane, phénacétine, belladone, etc.
Contre les douleurs neurasthéniques, l’électricité, l’ai-
mantation et surtout le traitement moral, pourront don-
ner quelques succès, mais d’une façon générale, contre
les (Ionien l's des ncnrasLliéniqnes, névralgies et snrlout
algies centrales, la Uiéraj)enli(|nc est à pen près complè-
tement désarmée.
*
¥ ¥
Nous tenons maintenant à prouver par quelques obser- •
vations, ce que nous venons d'exposer. Nous avons résumé
quelques-unes de nos observations personnelles qui nous
ont paru les plus typiques. Nous en avons supprimé un
grand nombre de celles que nous avons recueillies à l’iiopi-
lal Bichat, pour ne pas étendre outre mesure notre travail.
Sans nous dissimuler les imperfections de cette étude
sur un des syndromes simulateurs des affections du cœur
qui nous a paru des plus intéressants, nous serons beu-
reux si nous avons pu arriver à éclaircir seulement quel-
ques points de la question séméiologique que nous avons
étudiée.
Car il ne faut pas être trop exclusif en médecine et sur-
tout en séméiologie. Gomme le dit M. Potain, « il n’existe
aucun signe pathognomonique, aucun signe qui révèle
complètement une maladie. Quand nous sommes en pos-
session des résultats que fournit la séméiotique chez un
malade déterminé, il nous reste en effet à établir le dia-
gnostic complet, et c’est là la grosse difficulté. Vous pou-
vez enfin formuler un nom de maladie mais, ne l’oubliez
pas, un nom ne constitue pas un diagnostic et c’est ici
que les véritables difficultés commencent ».
OBSERVATIONS
Observation I. (A. Web('r).
Anfjini' de poitrine.
M. M.... âgé (le 51 ans a eu une attaque de rhumatisme articulaire
eu 1868. Pendant l'enfance et l’âge mûr, il a ét(i sujet à des migraines,
qui ont disparu depuis 3 ans, ni uricémie, ni gravelle. Depuis longtemps
il est hémorrhoïdaire. Il y a 10 ans, crises de gastralgie assez vives,
survenant tous les 2 ou 3 mois. A cette époque il eut des coliques hé-
patiques frustes (douleurs atroces au côté droit pendant 4 à 5 minutes,
sans vomissements, ni jaunisses, revenant tous les 10 jours. Jamais il
n’avait éprouvé de palpitations.
Il y a 2 ans, il commença à ressentir de la douleur et de la gène au
niveau du cœur, des battements dans le cou, des vertiges, des lipothy-
mies, puis des syncopes incomplètes, s’accompagnant toujours d’une
douleur violente au creux de l’estomac, à tel point qu’il se croyait près
de mourir. L’an dernier, au mois de janvier, au moment de se coucher,
il est pris d’une toux très vive avec étoull'einents ; cet accès de pseudo-
asthme dura quelques heures. Il eut un second accès en septembre, où
la toux s’accompagna de hronchorrée et de crachats sanguinolents. Il y
a 15 jours, toujours en se couchant le soir, il eut une crise douloureuse
avec oppression, toux continuelle et expectoration.
Aujourd’hui D'' février, il éprouve des douleurs continuelles ; elles
surviennent soit pendant qu’il esta table, soit pendant la marche, sous
l'intluence du moindre ellbrt, quelquefois spontanément, surtout la nuit.
Leur siège est à la partie inlVirieure du sternum et du côté gauche ; c’est
une sensation de consiriclion reliant les 2 seins, avec irradiations dans
les 2 bras, surtout à fiauche jusqu’aux 2 petits doifits. Il ressent aussi la
— 88 —
sciisalion (ruiic syncope iniminonte. La durée de ces crises est dequel-
(|uos inhiules. Il éprouve une géiic continuelle à la région cardiaque.
Cette douleur siège tellement bas, que le malade a été soigné pour une
gastralgie par son médecin, et qu’il vient me consulter pour son esto-
mac.
Il ne fume pas, ne fait abus ni de thé, ni de café.
Matité aorti((ue do 6 centimètres. Battements artériels du cou, pouls
de Corrigan, second foyer de battements aortiques à droite du sternum.
Double souflle à la base du cœur. Il n'existe pas de douleurs à la près-,
sion, sur le trajet des nerfs phréniques, ni nulle part ailleurs.
Diagnostic. — Ectasie aortique. Insuffisance et rétrécissement aor-
tiques. Hypertrophie du cœur. Angor pectoris vrai.
Traitement. — lodure de potassium, 2 à 5 grammes par jour. Ni-
trite d’amyle. Injection de morphine. Pointes de feu. Diète sèche.
28 février 1885. — Matité aortique de 6 centimètres 3/4. On entend
un bruit de galop manifeste. Les crises sont moindres au moment des
repas. La douleur e.xiste toujours sur une ligne qui va de l’appendice
xiphoïde à la ligne mamelonaire. L’effort le plus faible, un mouvement,
font naître l’oppression. On prescrit 3 grammes d’iodure par jour.
21 mars. — Même état. Le bruit de galop persiste. La dose d’iodure
est portée à 5 grammes par jour. Mouches de Milan. Lait, un litre et
demi.
5 mai. — Pas d’amélioration, les nuits sont mauvaises. Le malade
est pris d’accès, en mangeant, en marchant, même pendant son som-
meil ; souvent il est pris d’une toux sèche, quoiqu’il n’ait pas de bron-
chite. Seules les digestions sont bonnes.
Matité aortique de 6 centimètres. L’élévation de la sous-clavière est
plus prononcée, le pouls est fort, vibrant, le bruit de galop très accen-
tué. Les urines ne renferment pas d’albumine.
Le traitement ioduré est suspendu pendant une quinzaine de jours.
Mais pendant cet intervalle, le malade eut des crises très violentes,
qui ne furent calmées que par le nitrite d’amyle. Le traitement ioduré
fut repris ensuite.
— 89 —
Observation II (Personnelle).
Angine de poitrine.
Madame G.... 4o ans, vient à la consultation du jeudi à Bicliat, le
3 mars 1891.
Mère morte à o7 ans de rhumatismes, père mort paralytique à o6 ans ;
sœur rhumatisante.
En octobre 1890, elle a eu, à 6 heure 1/2 du soir, après son repas,
une forte crise de douleur précordiale qui a duré 4 à o heures. Depuis
cette douleur a reparu, surtout quand la malade monte un escalier.
Presque tous les soirs elle éprouve une légère crise en se mettant au
lit, ou en allant à la garde-robe.
Toujours bien réglée, elle a eu il y a quelques jours une crise noc-
turne spontanée (à une heure du matin) coïncidant avec l’apparition de
ses règles.
A l’examen : pas de souffle au cœur ; léger retentissement diastoli-
que à droite du sternum. Pas de douleur à la pression.
Diagnostic : Augor chez une artério-scléreuse au début.
Traitement. — lodure (2 gr.) trinitrine, pointe de feu, etc.
Revue le ^ juin 1891, la malade a moins de crises; mais celles-ci
surviennent toujours sous l’influence de la marche, surtout après les
repas. Pouls fréquent (à 120).
Le 16 septembre 1891. — Les crises sont plus rares parce qu’elle les
évite en marchant lentement. Elle va certainement beaucoup mieux.
On constate cependant quelques faux pas du cœur. Pouls fréquent. Lé-
ger prolongement systolique. Matité aortique = S centim.
Le 10 novembre 1891. — Les crises sont encore plus rares, mais la
malade ne peut marcher vite.
Le 16 février 1892. Les crises sont devenues beaucoup plus fré-
quentes et plus fortes depuis quinze jours. Quelques crises spontanées
la nuit. Tachycardie (P. 136). Tendance à l’embryocardie. La malade
est très fatiguée, angoissée. On prescrit le nitrite d’amyle et un vésica-
toire au devant du cœur.
— 00
OiisEuvATioN III (Personnel le, résumée).
Angine de 'poitrine.
iM. G... 54 ans, vient à la consultation du jeudi à l’hôpital Bicliat le
23 novembre 1893: Pas d’antécédents héréditaires. Sa mère vit encore
(80 ans). On meurt toujours vieux dans su famille. Pas de p;outte, un
peu de rhumatismes.
Il se plaint d’une douteur qu’il a éprouvée à la région épigastrique,
pour la première fois au mois d’avril dernier. Cette douleur survenait
sous l’inlluence de l’ellortou d’une marche un peu rapide, siégeait vers
le milieu du sternum, (douleur rétro-sternale) et un peu à gauche, avec
irradiations douloureuses à l’épaule gauche et à l’épaule droite, et quel-
(|uefois jusque dans les doigts de la main gauche.
Les efforts, ractioii de se mettre au lit, provoquent des accès, mais
pas de crises nocturnes en général. (Il y a eu deux crises nocturnes qui
ont duré chacune un quart d’heure). La durée des accès est ordinaire-
ment de dix minutes. Le malade qui a fumé beaucoup ne fume plus
depuis cinq ans.
11 a été soigné comme gastralgique pour celte affection.
Le pouls gauche est plus faible. — A l’auscultation, léger souffle sys-
tolique et surtout diastolique.
Le malade qui vient des environs de Paris, est renvoyé avec le dia-
gnostic et le traitement. Il n’a pas été revu.
Observation V (Personnelle).
Angine de poitrine.
R... Jean, âgé de 66 ans.
Pas d’antécédents héréditaires.
Antécédents personnels : Variole à 32 ans, alcoolisme habituel ; mi-
graine ; hémorrhoïdes ; tendance à l’obésité jusqu’à 50 ans. Depuis le
malade a maigri.
Son métier de chapelier l’oblige à travailler avec le mercure. Les
— 01
gencives ont un liseré grisâtre ; il a ou autrefois des coliifuos violentes
durant 17 jours, mais, liahituelleinent il ne présente aucun trouble
digestif. — 11 a habité longtemps une demeure humide. Séjour do 9 mois
sur les pontons en 1872.
Début de la maladie, il y a d ans.
Un jour en marchant chargé d’un panier de bouteilles, il est pris su-
bitement d’une douleur dans la région sternale, avec irradiation dans le
bras gauche, et vive oppression, mais du reste sans sentiment d’angoisse
bien marqué. Après un repos de quelques minutes, le malade peut re-
prendre sa marche sans contrainte. Depuis, les crises se sont rappro-
chées, et ont augmenté d’intensité pour atteindre leur maximum, il y a
environ 10 mois.
Crises caractérisées par une douleur occupant la zone précordiale, et
péri-précordiale, avec irradiation manifeste dans le bras gauche ; mais
cette irradiation est nettement limitée au coude dont elle occupe sur-
tout la région olécranienne. Elle n’a'jamais dépassé le coude et n’a ja-
mais atteint les deux derniers doigts de la main. Cette douleur du coude
s’accompagne durant les crises d’une vive sensation de froid. Le malade
accuse encore, comme irradiation, une douleur très vive un peu en de-
hors de la colonne vertébrale au-dessus de la pointe de l’omoplate gau-
che.
La douleur n’est pas contractive. Le malade la compare à une sensa-
tion de fer rouge ou de déchirure et dit n’avoir jamais eu le sentiment
de mort imminente.
La douleur s’accompagne d’une très vive oppression, sans cependant,
comme nous le disions, aller jusqu’à l’angoisse mortelle. Pendant la
crise, pâleur excessive, parfois sensation de palpitations subites.
Causes productrices de l’accès : Marche un peu rapide. — Effort. —
Ascension d’escaliers. — Changements de temps. — H y a un an le
malade a traversé une période durant laquelle les crises survenaient la
nuit sans motif suflisant et reveillaient le malade endormi. (Ou trouve
quelquefois un cauchemar comme cause occasionnelle de ces accès noc-
turnes, mais cette cause est loin d’être constante). Héveillé par une
crise, le malade était obligé, pour la calmer, de s’asseoir sur une chaise
92
prôs (le son lit, et de boire une infusion de thé. Ces crises nocturnes
ressemblaient tout à fait à celles ([u’il avait dans le jour.
l)iir('(e des crises : 2 à 9 minutes. Elles se terminent souvent par une
transpiration abondante.
Dans l’intervalle des crises, très bonne santé, pas la moindre oppres-
sion, ni douleurs.
11 y a un an le malade dit avoir eu un vertige avec perte de connais-
sance d’un quart d’heure. Ce vertige n’a du reste pas été accompagné
d’une crise de douleur. A ce moment le malade a été soigné en ville
par l’iodure de potassium durant environ 4 mois. Ce traitement l’amé-
liore beaucoup, plus de crises nocturnes, et moins de crises dans la
journée. Il cesse le traitement, il y a environ 8 mois ; depuis, les crises
nocturnes n’ont pas reparu, mais elles viennent toujours à l’occasion
de la marche et des efforts. Il entre à l’hôpital le 3 novembre 1892.
Artério-sclérose encore peu avancée avec, les radiales un peu dures,
et le cœur un peu sourd.
On peut soupçonner un léger souffle à la pointe. Matité cardiaque
augmentée.
Pollakiurie nocturne, légère polyurie (2 litres), pas d’albumine.
Traitement ; lodure de potassium î\ la dose de 1 gramme par jour.
Sort le 12 novembre, sans avoir eu de nouvelle crise.
Observation VI (Personnelle, résumée).
Forme anormale de rAngor..
Mme F... 47 ans, n’a pas d’antécédents notables. Réglée à 14 ans,
elle a encore ses époques régulièrement.
Il y a un an, elle s’est aperçue de battements des artères du cou.
Depuis trois ans elle éprouvait, en marchant, une sensation de cons-
triction de la gorge, puis la sensation s’étendit jusqu’à la régiou cardio-
aortique, et bientôt jusqu’au creux de l’estomac, avec sensation de pe-
santeur du bras gauche.
Chaque fois qu’elle marche un peu vite elle éprouve la même sensa-
tion angoissante et un peu d’oppression.
A l’examen on constate : battements des artèiœs du cou, souflle sys-
— 93
toli(iue cl (liastolique à la l)aso, pouls vibrant, l’as de rlmmatisinc ni
de goutte. A éprouvé de violents chagrins il y a vingt ans. — Traite-
ment : lodure et laitage.
La malade, revue à la consultation de l’hôpital Bichat, va beaucoup
mieux depuis deux ans.
Observation Vil (Personnelle). ,
A ugine de poitrine chez un épileptique.
P. R..., gardien de la paix, entre à l’hôpital Bichat, le 6 novembre
1892.
Père mort à 85 ans, mère morte k 65 ans sans cause connue, quatre
frères morts de phthisie. A perdu deux enfants de convulsions.
A eu, à l’âge de quinze ans des accidents épileptiques avec perte de
connaissance complète, sans cependant s’être mordu la langue. Traité
par le bromure, ces accidents ont disparu vers l’âge de 25 ans. Il a
encore qnelques absences. Pas de syphilis, ni d’alcoolisme.
Depuis trois ans éprouve, sous l’influence de la marche, ou des émo-
tions, ou en montant des étages, une vive douleur au creux de l’esto-
mac avec sensation de constriction et irradiation dans le bras gauche.
Vive angoisse sous l’influence de la marche. Il dit qu’il préférerait la
mort à la douleur ffu’il éprouve. Aussi se refuse-t-il presque à marcher.
Son médecin lui a donné jnsqu’à 8 grammes de bromure par jour.
Visage pâle, exprimant la souffrance, pouls fréquent (130) ; batte-
ments des artères du cou ; Matité aortique 6. Retentissement dias-
tolique à, la base.
Diagnostic ; Angine de poitrine par ârtério-sclérose.
Traitement. — lodure de potassium 2 grammes, trinitrine, pointes de
feu, régime lacté.
Deux jours après son entrée, le malade sort de l’hôpital, et nous n’en
avons plus entendu parler.
OiisuuvATioN YIII (ijcrsoiinelle;.
Pscîulo-nngine hystérique chez un angineux vrai.
P. L... . 46 ans, comptable entre à la salle Pazin, le 121 novembre 1863.
Lit n« 4.
Père mort à 69 ans de maladie aignè, mère morte à 63 ans.
Une sœur morte du croup.
En 1870, rbumalismc articulaire aigu ayant duré o mois sans mani-
festations cardiaques appréciables. Il continua son service militaire jus-
qu’en 1873 sans ressentir de douleur au cœur. Il entra comme comp-
table aux magasins du Louvre et sa santé fut excellente jusqu’en 1889
(août).
A ce moment il ressentit des éblouissements survenant sans cause,
avec sensations de moucbes volantes. Il n’interrompit cependant pas
son travail jusqu’en octobre, où il dut entrer à l’bôpital Broussais dans
le service du D*' Ghaullard. Il se plaignait de palpitations, d’éblouisse-
ments. M. Cbaulfard diagnostiqua insuffisance et rétrécissement aorti-
que et le traita par des cautères. Il sortit en janvier 1890 très amélioré.
A ce moment il perdit sa place et dut faire un métier pénible l’obli-
geant à marcher toute la journée. Malgré ce travail exagéré, il ne fut
pas obligé de s’arrêter, se plaignant seulement d’éblouissements et de
sueurs froides survenant sans cause. Pas d’œdème des jambes.
En septembre 1893 il ressent dans la région précordiale une douleur
violente, très brusque, semblable à une commotion électrique, sans
angoisse. Au bout do 2 minutes, il reprenait sa marche sans rien d’a-
normal.
Huit jours après, il avait une nouvelle crise survenue encore pendant
la marche, et semblable à la première.
Enfin le 15 septembre, toujours en marchant, il éprouve une crise
beaucou]) plus violente, avec angoisse et douleur irradiée au bras ; la
douleur fut si forte qu’il tomba, sans cependant perdre connaissance. Il
garda le repos 8 jours sans nouveaux accidents, mais le lendemain du
jour où il reprenait son travail^ survenait une nouvelle crise pendant
la inarclie. Cette crise, plus violente ([uo les précédentes, caractérisée
par une angoisse extrême, détermine son entrée à l’iiôpital Bicliat.
27 septembre 1890. — Depuis quelques jours le malade avait les jam-
bes enflées, mais le jour de son entrée à riiôpital, l’œdème avait disparu
complètement. Durant son séjour à la salle Bazin, ‘il n’a pas de douleur
violente, mais seulement quelques douleurs fugitives qui surviennent
spontanément. Il sort amélioré le 29 octobre et reprend son travail sans
avoir d’accès pendant dix jours. Le dix novembre survient une crise
pendant la marche, — le lendemain nouvelle crise dans les mêmes con-
ditions, — le lendemain encore, pendant que le malade était couché,
nouvelle crise spontanée, plus forte que les autres, avec irradiations
dans le bras. L’engourdissement du bras persiste cinq ou six heures
après la crise, pendant lesquelles le malade ne peut faire un mouve-
ment.
Il rentre de nouveau à l’hôpital, le 20 novembre. L’aspect général
est bon, le faciès coloré. Il s’exprime avec une certaine animation, et
éveille chez les observateurs l’idée d’une névropathie.
Pas d’hypertrophie du cœur. A l’auscultation léger souflle systoly-
que et souffle diastolyque très net. De plus, à la pointe, un peu en
dedans, dans la région mésocardiaque, bruit de râpe systolique.
Pouls régulier, pas d’athérôme, ni de dilatation de l’aorte.
Hémianesthésie du bras gauche, et, du môme côté diminution, de la
force musculaire.
A la pression, douleur dans les 2® et 3® espaces intercostaux, du bord
du sternum à la ligne intermamelonnaire, le maximum étant dans le
troisième espace au niveau du mamelon. La région de la pointe n’est
pas douloureuse.
La dernière crise que le malade a éprouvée, a été spontanée, d’une
durée plus longue et presque aussi angoissante (jue les dernières. Elle
est survenue sans avoir été provoquée par l’effort. Le diagnostic, con-
firmé par M. Huchard, est celui de pseudo-angine hystéricjue survenant
chez un angineux vrai. Ce malade est encore en traitement à l’hôpital.
ÜG
Observation IX (personnelle).
Arylhmie cardiaque et accidents pseudo-angineux chez une
. névropathe cardiaque.
T.... Marguerite, 52 ans, entre salle Louis, le 29 mars 1892.
Antécédents héréditaires ; Père mort à 53 ans d’une allectiou aorti-
que. Mère morte également d’une alTection cardiaijiie. Deux frères, dont
l’un est mort d’une maladie de la poitrine, l’autre d’une maladie du
cœur. Tous les membres de sa famille étaient rliumatfsants.
Antécédents personnels. — Elle n’a jamais été malade; pendant son
enfance, à l’âge de treize ans seulement, au moment de ses premières
règles, elle eut de violentes palpitations qui ne persistèrent pas. De-
puis elle a été régulièrement réglée. Elle n’a jamais eu d’enfants. A
l’âge de 28 ans, elle eut une fièvre muqueuse. Puis, il y a huit ans,
elle contracta une bronchite, qui a tendance à se répéter tous les hi-
vers.
Il y a cinq ans, elle contracta un rhumatisme aigu, pendant lequel
elle n’accusa pas de manifestations cardiaques. Elle se guérit assez ra-
pidement. Mais, peu de temps après, elle éprouA'^a des malaises, des
crampes d’estomac, des étoulï'ements, des battements de cœur, accidents
qui se sont surtout prononcés depuis 18 mois, et qui l’amènent actuel-
lement à l’hôpital. Ces divers symptômes ont coïncidé, à son dire, avec
un certain degré d’amaigrissement. Ménopause depuis 10 mois.
Actuellement la malade se plaint surtout d’étouffements et de palpi-
tations. Elle a des accès d’étoulTements surtout la nuit, et le moindre
effort l’essouffle. Elle a des élancements dans le cou et la tête, et par-
fois des douleurs qui, parties de la région précordiale, irradient dans
les bras, et le long du rachis sans déterminations précises. Lorsqu’elle
est longtemps debout, les membres inférieurs s’œdématient. Elle a fré-
quemment des vertiges et des étourdissements. Le sommeil est souvent
troublé par la dyspnée. Elle éprouve parfois des phénomènes de syn-
cope locale à l’extrémité des doigts, surtout à droite.
Les fonctions digestives ne sont pas troublées. L’appétit est normal,
la digestion satisfaisante ; pas d’albumine.
%
Les symptômes pulmonaires sont nuis.
Enfin celle femme est d’un tempérament nerveux et facilement im-
pressionnable.
Examen du cœur : Le choc précordial est assez intense. — La pointe
n’est pas déplacée. — Arythmie cardiaque. — Léger prolongement
diastolique en dehors et au niveau de la pointe, sous l’aisselle. — Le
pouls est assez ample, mais arythmique comme le cœur.
Diagnostic. — Celte malade est très prohahlemenl atteinte d’un rétré-
cissement mitral ; mais il faut sans doute faire une grande part dans
ses phénomènes cardiaques à son étal de nervosisme.
Traitement. — Teinture de digitale, XL gouttes. Repos.
31 Mars. — Les douleurs surviennent à propos de rien et s’irradient
dans la tète et les bras, sous localisations précises. Sujet très nerveux.
— Érythème pudique envahissant la partie supérieure du thorax.
En s’appuyant sur le caractère des douleurs, l’absence d’angoisse,
leur longue durée,' on arrive cà en faire des douleurs pseudo-angineuses,
de nature nerveuse.
Impulsion du cœur très forte. Pouls également fort inégal, arythmi-
que. Souffle présystolique très léger à la pointe. Battements veineux h
la hase du cou. Pas de battements artériels.
Prescription. — Bromure de potassium 4 grammes, teinture de digi-
tale X gouttes.
1er Avril. — Le souffle présystolique ne s’entend plus. État général
comme hier. Prescriptions semblables. Urine : 1000 grammes.
2. — La malade se plaint d’avoir passé une nuit agitée. La pression
du niveau des premiers nerfs intercostaux et des nerfs phréniques est
douloureuse. Le malade se plaint de crampes dans les jambes, qui sont
le siège de varices. Ces varices sont peut-être la cause de l’œdème des
jambes.
4. — La malade a passé une bonne nuit. Son cœur est plus calme.
Même prescription. U =: 1000*
5. — Grande amélioration dans l’état do la malade. — Battements
du cœur presque normaux ; très peu irréguliers. — Respiration facile.
Sommeil très bon.
11. — Vésicatoire à la région précordiale*
CUEVILLOT 7
— Ü8 —
L’élal (le la malade s’anKMiore progressivement.
Il ii’ya plus d’aryllimie cardiaque.
La malade sort le 28 avril. QueLpie temps, après, (lc2o mai) elle re-
vient à la consultation. L’état général est amélioré, et elle se considère
comme guérie.
Le bromure de potassium paraît avoir joué le principal rôle dans l’a-
mélioration et la sédation des accidents.
Obseuvation X (personnelle, résumée).
Pseudo-amjine syasmo-tabagique.
M. D.... 59 ans, ni goutteux, ni rhumatisant, ni arthritique, ni al-
coolique, est grand fumeur (cigare et pipe). Une de ses sœurs a eu des
accidents angineux ?.
Il y a 4 ans, oppression en marchant.
Il y a 3 mois, à 8 heures du matiu sort et prend froid. En rentrant
chez lui, douleur violente sous le sternum, qui dure toute la journée
avec irradiation dans le hras droit ; douleur sans presque d’angoisse.
Depuis, les accès se sont renouvelés fréquemment et spontanément.
Intermittences cardiaques, pouls fort et vibrant, rien au cœur ; Em-
physème pulmonaire, tendance à l’obésité.
Diagnostic : pseudo-angine nicotique.
L’iodure de potassium et la suppression du tabac amènent la guéri-
son ; au bout de deux mois les accès avaient cessé. Le médecin du ma-
lade avait cru à une hypertrophie du cœur.
i
À
Observation XI (Rendu).
Dilatation cardiaque d'origine gastrique, portant presque exclusivement
sur le cœur droit ; accès d'angine de poitrine unique, sous l'influence
d’un écart de régime. Disparition totale de l’accident sous l'influence de
la diète lactée.
M. Sch... âgé de 53 ans, brasseur, est un alsacien robuste, quia
beaucoup abusé dans sa jeunesse de la boisson, et qui est devenu dys-
99 —
ï poétique. Eu 1877, je le vis pour la première Ibis avec (lel’ascih', un
P foie congestiouué et volumineux, de l’auurie, des palpitations cardia-
le-: ques ; le cœur battait fortement, d’une manière irrégulière; il y avait
; un souftle tricuspidien des plus nets, et du gonllement des jugulaires,
dépensai tout d’abord qu’il s’agissait d’une hypertrophie du cœur avec
cirrhose, et je soumis le malade au régime lacté. Eu très peu de jours,
, ' l’ascite disparut, une diurèse énorme s’établit, le souille triscuspidien
; ■ s’alfaiblit et cessa de se faire entendre ; seul le foie persista volumineux.
! Il fut alors évident qu’il s’agissait d’une dilatation simple du cœur, re-
tentissant de préférence sur le ventricule droit et se compliquant de
congestion hépatique et rénale. Pendant les années 1878 et 1879, la
jpy santé de cet bomme se maintint excellente, et il put reprendre une vie
i : active et laborieuse, sans conserver autre chose qu’une tendance extrè-
■i ■ me à la congestion du foie sous rinlluence du moindre écart de régime.
' A plusieurs reprises j’assistai à des retours de dilatation cardiaque ca-
; ractérisés par dyi bruit de galop, l’accentuation du deuxième bruit pul-
: monaire, un so'ufile tricuspidien passager. Toujours des purgatifs, du
A calomel, une petite dose de digitale et le régime lacté continué pendant
^ une ou deux semaines, avaient raison de ces accidents.
' En 1880, nouvelle poussée d’asystolie, qui dure près de six semaines
: et laisse le malade affaibli et oppressé, avec persistance du bruit dega-
] ’ lop du cœur droit. Néanmoins les mêmes remèdes agissent avec leur
j , efficacité habituelle, et Sch... put reprendre ses occupations, avec l’o-
• • bligation stricte, sous peine de rechute, d’être d’une sobriété absolue.
^ ’ L’hiver de 1881 se passe sans encombre, avec ([uelques velléités de
'■ congestion hépatique. Au mois d’Avril, le malade est obligé de faire un
V voyage d’affaires en Allemagne, pendant lequel il se fatigue, mange
■ irrégulièrement et ne boit que de la bière. 11 revient <à Paris vers le
dix mai avec une teinte subictérique, la jambe et le ventre enllés, sans
appétit, avec des nausées et de l’oppression. Un purgatif drastique d’eau-
‘ de-vie allemande le soulage, et au bout de quehiues jours, son appétit
' reparaît, mais je lui fait suivre la diète lactée rigoureusement pendant
une semaine.
Le 20 mai, .se croyant guéri, il se fait servir un plat de son pays, de
la choucroute. A la fin du repas, sans cause connue, il est tout à coup
— lOU —
envahi par une douleur atroce, rjiii occupe les deux bras, le devant de
la poitrine, la base du cou, et va irradiant jusqu’à la nuque. En même
temps, un sentiment d’angoisse inexprimable se déclare, sa figure est
couverte de sueur, il lui semble qu’il va tomber en syncope. Cet état
de douleur agonique se prolonge plus d’une heure, et les souiïrances
des bras persistent presque toute la journée, en dépit de vomissements
qui surviennent et le soulagent notablement. Le soir, grâce à une in-
jection de morpbine, la crise est calmée; mais la constriction thoraci-
que se fait encore sentir, et cette angoisse ne cesse que le lendemain
dans l’après-midi, 30 heures après le début des accidents. Le malade
purgé de nouveau et de nouveau soumis au régime lacté, n’a jamais vu
depuis reparaître d’accès semblable. Ici, la cause occasionnelle a été
bien manifestement une indigestion, et pette circonstance provocatrice
a été d’autant plus iniluente, qu’elle s’adressait à un .sujet dont le cœur
avait déjà subi à plusieurs reprises le retentissement d’une alTection
hépatique.
Depuis cette époque, je n’ai pas cessé de suivre M. Scb... Il continue
à passer par des périodes d’asystolip passagère quand son foie se con-
gestionne de nouveau, et que ses reins cessent de fonctionner aussi ré-
gulièrement ; ceci se produit toujours dans les voyages qu’il est obligé
d’entreprendre en Allemagne, pour faire ses achats de houblon. Actuel-
lement, en 1883, la congestion hépatique est devenue chronique, et
il y a un certain degré d’ascite permanente, même quand le cœur se
contracte bien et bat régulièrement. Malgré cette aggravation des lé-
sions, jamais l’angine de poitrine ne s’est reproduite, et cette immunité
concorde avec l’intégrité des fonctions digestives, qui ne s’est pas dé-
mentie un seul instant depuis lors.
Observation XII (Rendu).
Pseudo-angine gastrique.
A. T..., 69 ans, marchande des 4 saisons, atteinte de rhumatisme
chronique depuis 4 ans, souffre de l’estomac depuis huit jours (nau-
sées, vertiges, anorexie, etc.). Avant son entrée à l’hôpital, elle a eu
deux fois des accès de pseudo-angine de poitrine caractérisés par une
douliMii’ précoi'dinlc intense, avec irradiations dans le coté gauclic du cou
et de la mâchoire, ainsi que dans les deux luenihrcs supérieurs ; cette
douleur s’accompagne d’un sentimeiil de plénitude dans la poitrine avec
oppression excessive. A son entrée à riiô[)ital, on constate les signes
évidents d’une dilatation du cœur droit (accentuation du deuxième bruit
pulmonaire, bruit de galop droit, etc.): pas d’adhérence artériel. Foie
normal.
Un jour, la malade, après avoir avalé une tasse de bouillon, est prise
d’un accès extrême d’o[»pression ; le pouls est petit, à peine percepti-
ble. Assise sur son lit, penchée en avant, elle se plaint d’une sensation
très douloureuse dans la région sous-sternale avec irradiation vers le
coté gauche du cou 61 de la face, qui est un peu cyanosée, et vers les
deux membres supérieurs. Après un traitement qui a consisté dans
l’administration d’un vomitif, d’un purgatif, du régime lacté, d’amers
et d’eupeptiques, la malade sort guérie, n’ayant plus éprouvé que deux
fois des accès fort atténués d’angoisse pectorale.
OnsEUVATiON Xlll (personnelle, résumée).
Pseudo-anfiine d’oricjinc (jastrique.
P. F... 37 ans, est envoyée la consultation du jeudi à l’hôpital Bicbat
par son médecin. Pas d’antécédents héréditaires. A IPans rhumatisme
articulaire.
Depuis quatre ans, d’abord beaucoup de renvois gazeux après les
repas, puis douleur au creux de l’estomac avec({uelques irradiations en
haut et en bas. Pas d'angoissé au moment des crises.
Il y a 3 ans et demi, pression continue au creux épigastrique, puis
douleur au devant du sternum, à l’épaule et au bras. Les deux pre-
mières crises ont eu lieu pendant la nuit et ont duré deux heures.
.Jamais de crises pendant la marche ; an contraire la marche le soulage.
A la consultation le malade a de nombreuses éructations. Il n’a eu
([ue quatre crises en tout; la dernière la veille même, <à 10 heures du
matin sans cause ; (il avait pris du café à 7 heures). La crise ne s’est
terminée .f|u’à ([uatre heures.
— 102 —
Douleur eu élan au creux de l'estomac et au devant du sternum. Pas
d’irridiation de la douleur.
Hicn à l’auscultation : retentissement diastolique pulmonaire. —
Dilatation stomacale. Quelques nodosités plialangiennes.
Diagnostic : Pseudo-angor d’origine gastrique, ectasie gastrique.
Le traitement gastrique l’a guéri, ainsi que nous l’a écrit son mé-
decin.
Observation XIV (personnelle, résumée).
' Pseudo-angine hgstérique.
Mlle J M.... 19 ans, malade depuis deux ans. Début par palpi-
tations, puis étoud'ements avec douleurs au niveau du cœur, accès de
suflbcation, sensation de boule remontant à la gorge et l’étoulTant.
Accès spontanés, jamais en marchant.
Crises durant 2 à 3 heures, avec irradiations au membre supérieur
gauche et commençant au-dessus do la pointe du cœur. Quelques crises
nerveuses. Pas de troubles digestifs, menstrues irrégulières.
P 128 (Tachycardie nerveuse).
Pendant les accès on observe des phénomènes de spasme laryngé et
le bras gauche devient violacé.
Anesthésie épiglottique complète, anesthésie de la conjonctive ocu-
laire, analgésie en plaque des membres. Envies de pleurer ; boule hys-
térique, ovarite gauche.
Diagnostic : Pseudo-angor hystérique.
Traitement. — Valérianate d’ammoniaque, douches froides, frictions
sur les membres, deux gouttes de solution de trinitrine matin et soir.
Un mois après, elle allait beaucoup mieux.
Observation XV (personnelle, résumée).
Pseudo-angine neurasthénique .
M. D.... G , 41 ans, a beaucoup fumé autrefois, fume beaucoup
moins depuis trois ans. (Antécédents héréditaires rhumatisants et ner-
veux).
— 103 —
Depuis deux nus il est pris fréquemment, surtout la nuit, vers mi-
nuit, d’une doiileur en étau siégeant près du sternum, et durant une
lieure, quelquefois avec irradiations au bras gauclie. Souvent froid
glacial, tremblement, etc.
Digère mal, renvois gazeux, estomac balloné après les repas, et ce-
pendant bon appétit.
Très nerveux et impressionnable, envies de pleurer fréquentes.
Après les accès de douleurs, émission d’urines abondantes et clai-
res.
Les accès reviennent par séries ; rien pendant un mois ; crises quo-
tidiennes pendant huit jours.
Il éprouve à ce moment une angoisse atroce, avec crainte de la mort.
Il craint d’aller en cbemin de fer, éprouve de subites envies d’uriner
a l’esprit très inquiet.
A eu il y a ciùq ans des accidents urinaires pour lesquels on l’a sondé,
et qui ont cédé à l’emploi des douches.
Rien au cœur ; léger retentissement diastolique.
Diagiwstic. — Pseudo-angor neurasthénique et arthritique.
Traitement — Dirigé contre la dyspnée et l’état nerveux, améliore
les accidents.
Odservation XVI (dûe à l’obligeance de M. le D‘' Paul Blocq,
chef des travaux pratiques à la Salpêtrière).
Pseudo-angine de poitrine neurasthénique.
J’ai vu en janvier 1890^ M. D. de Y... âgé de 43 ans, employé dans
les bureaux du cbemin de fer, se plaignant de troubles graves qui l’ont
obligé à. renoncer à son travail, et chez qui ses proches et ses amis sup-
posent non seulement, en raison des accidents auxquels ils ont assisté,
mais encore, eu raison des plaintes et de l’aspect du malade, une affec-
tion des plus graves.
Il se plaint d’être pris depuis plus de 6 mois, de douleurs précordiales
avec spasmes et étouffements, survenant par accès s’accompagnant de
sensation de froid des extrémités.
un ~
A l’e.xaiiKMi, ou ooiistalc ijii’il oxislc d(‘ la diirott* dos arlôres, et im
Irôs logei' degré do dilalalioii a()i ti(|iie. I^o malade avoue du rosie des
excès alcooliques. En dehors de ces signes on ne constate que des phé-
nomènes nerveux.
Le malade est exlrêmemenl frappé de ses accidents. 11 est profondé-
ment déprimé, parle constamment de son cœur <[u’il dit congestionné,
et de la mort subite qui le menace. Il mange peu et a maigri depuis
(|u'il est malade de 7 kilogs. Les accès le prennent tous les 2 à 3 jours,
et le laissent plus prostré encore.
Rien à l’exploration du cœur. Aucun autre signe, en dehors, de la
dépression générale, des préoccupations hypochondriaques et des accès
de douleur précordiale avec spasmes (dans lesquels il ne parait pas
cyanosé).
Je prescris u]i régime hydrothérapique, que le médecin traitant
refuse d’appli(|uer, craignant dit-il, dp tuer le malade à la première
douche. Je décide alors le malade à aller <à la Salpêtrière, ou le traite-
ment lui est appliqué, mais quelques jours ensuite, il s’ennuie et de-
mande sa sortie. Sur mon conseil il est conduit chez des parents éloi-
gnés en Lorraine, et continue à suivre à Metz un traitement identique.
Actuellement il est complètement remis de ces troubles, et depuis
plus de 18 mois a repris ses occupations.
OiiSEuv.wioN XVll (dùe à M. P. Blocq).
Pseudo-angine de poitrine neurasthénique, chez une hystérique
ancienne.
M. 1)., figée de 26 ans, s’est présentée à ma consultation le 20 no-
vembre 1891. On ne peut avoir de renseignements sur les antécédents
héréditaires.
Antécédents personiuds : A soulïert il y a 4 ans de crises de petite
hystérie sans perte de connaissance. Crises émotives très nettes s’ac-
compagnant de contraction passagère dos membres du côté gauche.
S’est mariée il y a 2 ans : a été abandonnée par son mari, et soulfre
depuis un an des troubles pour lesquels elle demande nos soins.
Elal avliirl : Ello a tous les soirs, |>orio(li(|uoineiil, une crise caracté-
risée par (les sensations très douloureuses d’étreintes dans la région
précordiale, avec irradiations dans l’épaule et le hras gauche. Cotte
crise s’accompagne d’oppression et d’angoisse, dure de 1/4 à 1/2 heure.
Dans l’intervalle, il n’existe aucun trouble cardiaipie.
L’examen montre, du w>té du système nerveux qu’il existe : de la
céphalée eu casque, des vertiges, de la lassitude continuelle plus accu-
sée le matin au réveil, de la dyspepsie llatulente. On constate un léger
degré d’hypoesthésie du côté gauche, vestige de l’orage hystérique an-
cien. Tous les réflexes sont normaux.
L’exploration du cœur ne dénote rien d’anormal. Les divers acci-
dents ont cédé au traitement moral, aidé des pratiques hydrothérapi-
ques (enveloppement dans le drap trempé d’eau k 415°).
Observation XVllI (personnelle, résumée).
Pseudo-angine névralgique .
Mme P..., 34 ans, n’a jamais eu que des douleurs vagues sans rhu-
matismes ; pas d’antécédents .
Il y a trois ans, a fait une chute et a été soignée pour une ovarite ai-
guë. Depuis, éprouve des crises nerveuses avec frissons, douleur rétro-
sternale et palpitations, avec assez de régularité tous les soirs au mo-
ment de se coucher. Accès d’étouffements avec douleur précordiale,
refroidissement des extrémités pendant plusieurs heures, mauvaise
digestion le soir, constipation, dyspepsie llatulente. Tendance à l’obé-
sité depuis trois ans. Envies de pleurer fréquentes, idées noires. Urines
chargées d’acide urique. Rien au cœur, ni à l’estomac ; point de névral-
gie intercostale des deux côtés.
Diagnostic. — Névrose cardiaque.
Traitement. — Valérianate d’ammoniaque.
Vésicatoires, pilules de pancréatine, massage. Revue deux mois après,
elle allait mieux.
OnsEnvATioN XIX (personnelle, résumée).
Pseudo-angine névralgique.
M. L. B., 38 ans, fume peu, après avoir beaucoup fumé autrefois, pas
de sypliilis. '
A soulfert pour la première fois de douleurs au cœur il y a o ou G
ans. Depuis plusieurs jours la douleur est presque continue, et diminue
sous l’influence de la marche. Pas d’irradiation aux bras. Il a été im-
pressionné par la mort d’un de ses amis qui a succombé <à une angine
de poitrine.
Beaucoup de vertiges, pas de migraines, mais douleurs intercostales
depuis longtemps, ayant provoqué des crises d’étouffements. Arthriti-
que et nerveux.
Diagnostic. — Pseudo-angine névralgique.
Traitement. — Antipyrine (3 gr.) pendant 8 jours et trinitrine.
Bevue un mois après, son état quoique un peu amélioré est sensible-
ment le même.
Observation XX (Résumée. — Foureur, Revue de médecine, 1888).
Péricardite purulente. — Douleur angineuse.
Femme de 38 ans sans antécédents pathologiques. Il y a deux jours,
vive douleur à la région épigastrique et derrière le sternum, puis dys-
pnée, toux, pouls petit, fréquent, irrégulier, angoisse extrême, défail.
lance, cyanose des lèvres, syncopes, meurt avec symptômes aspln'^xi-
ques. On a simplement trouvé matité cardiaque, notablement augmentée :
demi litre'de liquide purulent et verdâtre dans le péricarde. On ne
trouve aucune trace de suppuration dans aucun autre organe. C’est
donc une péricardite purulente primitive (dùe au streptococcus pyogè-
nes).
Cette observation peut se rapprocher de celle que rapporte Ca-
banis, {Œuvres complètes, Paris 1823), qui a -ouvert le corps de Mi-
rabeau avec \ icq d’Azir. Le péricarde contenait du pus. 11 est mort
do pi'rioardito purulonto et non pas do pleurésie diaphragmatique com-
me on l’a cru. Il éprouvait des douleurs atroces comme une « grillé de
for * au devant du sternum.
Obseuv.vtion XXI (personnelle, résumée).
Névralgie intercostale.
M. L.... 60 ans, ouvrier typographe, souiïre depuis 36 ans de dou-
leurs précordiales, qui surviennent presque continuellement. Pas
de douleur en marchant, ni en montant les escaliers. Jamais d’ir-
radiation douloureuse aux bras. Rien au cœur. Douleur à la pression
au niveau du 4® espace intercostal. Rapidement amélioré par le stypage.
Observation XXII (personnelle, résumée).
Névralgie intercostale.
M. D... 2oans, garçon de laboratoire, se plaint d’une douleur per-
sistante au côté gauche. A eu des rhumatismes articulaires avec dou-
leurs vagues qui ne l’ont pas obligé à rester au lit.
Douleurs intercostales à la pression au niveau de 3®, 4® et 5® espa-
ces (malade pâle et nerveux). Guéri par les douches et l’arsenic.
Observation XXIII (personnelle).
Coliques hépatiqties avec douleur précordiale.
V.... Catherine, âgée de 31 ans entre à l’hôpital Richat le 21 octobre
1891. Elle ne peut donner aucun renseignement sur ses antécédents
héréditaires. Sa mère est morte âgée ; son père, jeune, par suite d’acci-
dents. Elle a un frère bien portant. (Une paraît y avoir aucun accident
arthritique).
Antécédents personnels. — Pas de maladie dans son enfance. — Fiè-
vre typhoïde en 1877. — Ni scrofule, ni syphilis, ni rachitisme.
Après sa fièvre typhoïde, elle eut des accès de durée variable, rémit-
tents, survenant surtout dans la soirée, rarement le matin, d’intensité
inégale; céphalalgie suivie de vomissements glaireux, mousseux, sou-
vent bilieux, avec pesanteur dans le creux épigastrique. Leur durée
— 108
pouvait être de 1 à ï jours et se renouveler 3 à 't fois par mois, quel- #■
(|uefois devançant les époques, d’autres fois survenant aussitôt après. f
Ces accès devinrent peu à peu plus rares, et ne furent jamais suivis ?
d’ictère, même le plus léger.
Pendant ses accès, elle n’a aucun goût pour la nourriture et la bois- î;
son, qu’elle vomit d’ailleurs aussitôt après leur ingestion.
N’a jamais pu manger de graisse, et si parfois elle en mange, elle la •’
rond telle que. Pas de cliarcuterie, elle ne peut la digérer. — Souvent
des éructations acides ; coliques, rarement suivies de diarrhée, car la
constipation est de règle chez elle.
Les matières fécales sont jaunes et sans odeur fétide.
Pas d’amertume de la bouche. '
Son dernier accès eut lieu, il y a 8 jours au moment de ses époques ; .j
sensations de gêne, pénible, ballonnement du ventre, pesa'ntenr au creux '■'1
épigastrique, qui s’exagère cà tous les mouvements, surtout de la mar-
che ; cette sensation de gêne s’accentue surtout après le repas. H
Ictère assez foncé pour la première fois. Elle a en ce moment une
douleur au bras gauche, au niveau du biceps. Cette douleur irradie
dans l’avant-bras et la main, la région deltoïdienne, l’extrémité infé- _ ^
rieure de l’omoplate. Ces régions sont douloureuses, surtout à la près- p
sion, sans qu’il y ait pour cela ni gonflement, ni rougeur. Ces douleurs
sont très vives dans le bras, dans la région spléni({ue, et sous le mame-
lon gauche. . ;
Les mouvements sont pénibles. ! '
Ces douleurs, d’abord localisées à gauche, survinrent à l’avant-bras ’
droit au niveau de l’articulation du coude.
Insomnie fréquente, courbature, éblouissements.
Urine. — Teinte brune à rellet verdâtre avec l’acide nitrique, la colo-
ration passe du violet au rouge.
Cœur. — Le droit ne parait pas sensiblement hypertrophié. — (Dé-
doublement du premier bruit avec léger souffle) (?).
Foie peu hypertrophié, douloureux à la pression. Traitement ordi-
naire des coliques hépatiques.
La malade sort guérie quinze jours après, il persiste encore une lé-
gère douleur à gauche.
CONCLUSIONS
I. — Les douleurs de la région du cœur, ou « précor-
dialgies » peuvent se diviser en trois classes, d’après leur
pathogénie :
Douleurs (douleurs de l’angine de poitrine
vraie ou coroliarienne).
2“ Douleurs spontanées^ (douleurs des pseudo-angines de
poitrine, ou, pour mieux dire, des précordialgies à forme
angineuse) qui peuvent se subdiviser elles-mêmes en qua-
tre groupes, -d’après l’origine toxique, hystérique, neuras-
thénique ou centrale de la maladie.
3° Douleurs à la fois spontanées et provoquées par la
pression, et augmentant sous son influence (douleurs de la
péricardite, des artérites, des névralgies diaphragmati-
que, intercostale, mammaire externe, etc.; de la phthisie,
de la pneumonie, de la pleurésie, de la pleurodynie, du
zona, des fractures de côte, du rhumatisme intercostal, etc. ;
douleurs, en un mot plus connues sous le nom de points
de côté.
II. — La précordialgie de l’angine de poitrine, due à la
sclérose coronaire constitue une douleur typique : elle est
douloureuse, angoissante et provoquée par l’effort. Elle ré^
pond aux (rois lois cliniques qui lui oui élé assignées par
M. Huchard :
1“ Toute angine de poitrine produite par un effort quel-
conque, par la marche rapide, etc., est une angine vraie ;
2® Toute angine de poitrine se produisant spontanément,
sans l’intervention d’un acte nécessitant un effort, est une
angine fausse;
3° Lorsqu’un malade ayant des crises provoquées par
l’effort en a de spontanées pendant la nuit, la première
loi n’est pas en défaut : il s’agit toujours d’un angineux
vrai.
III. — Les précordialgiesdes pseudo-angines de poitrine,
d’origine toxique, hystérique, neurasthénique ou centra-
le, peuvent s’observer chez des angineux vrais, et rentrent
alors dans cette catégorie, ou chez des malades indemnes
de toute lésion des coronaires.
Dans ce dernier cas la douleur est toujours spontanée,
parfois angoissante, et peut, en certains cas, s’exagérer à
la pression.
IV. — 11 peut arriver qu’un angineux vrai, qui en même
temps est atteint d’hystérie ou de neurasthénie, présente
des accès de pseudo-angine nerveuse alternant avec des
accès d’angor vrai. Le diagnostic est plus délicat alors, mais
la spontanéité et la répétition à heure fixe des accès ner-
veux mettra sur la voie.
V. — La douleur dans les ruptures myocardiques res-
semble en tous points h celle de l’angine de poitrine. Il en
111
est parfois de même des ruptures valvulaires et des rup-
tures des piliers du cœur. Mais dans ces cas extrêmement
graves, surtout les premiers, le diagnostic est presque
toujours impossible. La mort qui survient subitement ou
rapidement dans la plupart des cas, ne permet pas de son-
ger à le faire.
VI. — Les précordialgies d’origine névralgiques sont
toujours provoquées par la pression. Lorsqu’il s’agit d’une
névralgie des intercostaux, du phrénique ou du mammaire,
on trouvera les points douloureux classiques.
Les symptômes de la phtisie pulmonaire, de la pneumo-
nie, de la pleurésie, du zona, etc., mettront sur la voie du
diagnostic, quand il s’agira de points de côté produits par
'■ cette affection. Au reste jamais les signes de la douleur
dans ces cas, ne peuvent tromper au moins le médecin et
^ lui faire croire à l’angor.
4
ia VIL — Les maladies du cœur, par elles-mêmes, sont
indolentes. Elles ne deviennent douloureuses que par cer-
taines complications telles que coronarite, péricardite,
névrite du plexus cardiaque etc.
VIH. — Les pseudo-palpitations douloureuses peuvent
s’observer: 1“ chezles cardiaques, 2° chez les chlorotiques,
. les anémiques, les nerveux, tous ceux, en un mot chez les-
quelsla pointe vient battre contre une paroi hypéresthésiée.
IX. — De même que les affections du cœur peuvent
s’accompagner de douleurs nerveuses siégeant dans les
— 112 —
nerfs de la région précordiale, et inlluer sur la production
de ces douleurs, de même les douleurs de la région précor-
diale, peuvent influer sur le cœur et produire une hyper-
trophie cardiaque à la suite d’une névralgie du membre
supérieur (Potain).
X. — Les précordialgies, suivant la cause à laquelle elles
sont dûes, réclament chacune le traitement de cetle cause
elle-même.
lmp. G. GaiiU-Aubin ei Tliorcnoi. Sainl-Dixier (Haute-Marne) 30, passage VenIcaUj Pans.